Valérie Belin

Photographie argentique noir et blanc,
161 x 125 cm.
Acquis avec la participation du Fram Ile-de-France
© Adagp, Paris 2008
© photo Jacques Faujour.

Notice

Dès ses années de formation à l’École des beaux-arts de Bourges, Valérie Belin photographie en noir et blanc. Avec des cadrages très serrés, elle maximise les contrastes, jouant sur une multiplicité de gammes noires et blanches et délaissant le gris, traditionnellement associé à la photographie.

Depuis une douzaine d’années, les séries se succèdent avec un passage de l’objet à la figure, puis un retour à l’objet. La photographe s’est d’abord intéressée aux verreries et aux miroirs de Venise, à leurs reflets et leurs transparences. Puis elle a étudié les vêtements, avec des robes en dentelle de Calais ou des robes de mariées créées par le couturier Fabien Durand : l’absence des corps est mise en valeur par ces enveloppes vides évoquant des chrysalides. Elle s’est ensuite portée vers les carcasses, celles des voitures accidentées comme celles des animaux dans les abattoirs de Rungis. Le passage de la nature morte au portrait s’effectue avec la série des « Culturistes », dont les corps huilés apparaissent telles des sculptures de bronze. C’est encore ce corps-objet que l’on retrouve dans des séries de portraits archétypaux de mariées marocaines, de transsexuels, des femmes noires ou blanches, à travers lesquels Valérie Belin explore différentes formes de l’identité. Cette même interrogation identitaire est aussi présente dans la série des « Mannequins de cire », si réalistes qu’ils semblent s’animer, ou dans les sosies réifiés de Michael Jackson.

En contrepoint à divers objets chatoyants, l’artiste s’est attachée à étudier la figure à travers ses multiples identités et à interroger la présence ou l’absence des corps. Que ce soit sous le vêtement, le silicone ou en renforçant son aspect sculptural, le sujet est réifié, comme si la figure était un nouveau moyen pour continuer à étudier les objets.

Valérie Belin s’est intéressée au genre du portrait, au corps et au vêtement à travers le rite social et culturel du mariage. Mais ce rituel apparaît sous l’angle de la signification sociale de la robe de mariée, qui transforme la promise en « femme-objet ». La série des « Mariées marocaines » (2000) met en valeur ces véritables sculptures ouvragées et ciselées qui enveloppent et nient les courbes naturelles des corps. Ici, seuls le visage et l’extrémité des mains sont visibles hors du vêtement aux motifs ondulants. La tête paraît surgir d’une grande corolle, à la manière d’une fleur. Le maquillage souligne encore les traits du visage et s’allie à une tenue d’apparat qui couvre le corps au point de le faire disparaître.

Les séries des « femmes noires » et des « femmes blanches » semblent directement liées à l’utilisation du noir et blanc par l’artiste, et lui permettent d’explorer d’autres formes de l’identité. Valérie Belin a photographié de jeunes Sénégalaises abordées sur un lieu de passage, la station de RER Châtelet-les-Halles. Sur l’image de grand format de la série « Black Women », l’utilisation maximale des contrastes valorise la beauté sculpturale de la jeune femme, évoquant la sculpture africaine mais aussi, plus largement, les formes de l’histoire de l’art occidental. La lumière fait ressortir le grain de la peau, le modelé du visage et des tresses de la coiffure, tandis que l’iris et la pupille uniformément noirs laissent apparaître les reflets des deux lampes parapluies employées par la photographe. Valérie Belin rompt avec ses références historiques et le regard occidental sur l’art africain : à l’opposé d’une vision anthropologique condescendante liée à l’époque coloniale, cette photographie révèle une volonté de magnifier la beauté de la jeune femme, sur laquelle l’artiste pose un respectueux regard.

V.D.-L.