Christian Boltanski

Du 15 janvier 2010 au 28 mars 2010
Vernissage le jeudi 14 janvier de 18 h 30 à 21 h 00

Longtemps, j’en ai rêvé ; Il y a eu un avant, il y aura un après. C’est un passage. Avec Après, second acte d’un « opéra » dont le premier, Personnes, se déroule au Grand Palais dans le cadre de Monumenta, Christian Boltanski nous fait passer de l’autre côté. Il réconcilie dans cette installation, à l’échelle du MAC VAL, les différents temps. Il nous immerge dans sa vision de l’au-delà, matérialisé, existant, presque rassurant car calqué en négatif sur un réel abandonné. Un au-delà familier grâce aux voix amicales qui nous accueillent, inquiétant enfin par le dessin d’une errance infinie. (...)

Mot du commissaire de l’exposition

Je rêve

Longtemps, j’en ai rêvé ; Il y a eu un avant, il y aura un après. C’est un passage. Avec Après, second acte d’un « opéra » dont le premier, Personnes, se déroule au Grand Palais dans le cadre de Monumenta, Christian Boltanski nous fait passer, de l’autre côté. Il réconcilie dans cette installation, à l’échelle du MAC VAL, les différents temps. Il nous immerge dans sa vision de l’au-delà, matérialisé, existant, presque rassurant car calqué en négatif sur un réel abandonné. Un au-delà familier grâce aux voix amicales qui nous accueillent, inquiétant enfin par le dessin d’une errance infinie.

Entre les murs d’une ville noire, nous marchons, dans un présent frémissant, entre ces « kaaba » lourdes d’histoires, animées du souffle des projets compactés, des souvenirs biens rangés, enfermés.

Si « le temps qui reste » est chez Christian Boltanski sujet à pari, le temps à venir se déroule, construit du passé qui fait masse, animé de l’histoire de chacun qui peut se déployer en récit. Celui-ci est à écrire, à chaque pas, au fil de ces rues fantômes, où la lumière surgit de chaque personnage, de chaque rencontre. Car voilà le programme, et il n’est pas triste, loin de là ! Errer, certes, mais ensemble ! Au détour d’un carrefour, de l’autre côté d’un mur un personnage, une vie à écouter.

Christian Boltanski aime raconter des histoires. Avec Après, il nous invite à fabriquer notre propre récit, « Les choses de la vie », qui sont sensées apparaître, fulgurantes, à l’aube de la mort, où se conjuguent le passé, le présent et le futur. Le Temps est sa matière, son sujet. C’est avec lui qu’il nous embrasse, nous immerge et nous retient, dans cette œuvre polyphonique, vertigineuse.

Alexia Fabre

Extrait du Petit Journal

Christian Boltanski crée pour le MAC VAL une oeuvre, une exposition, un environnement dans lequel le visiteur est invité à vivre une expérience extraordinaire, car réversible, celle de l’« après ». En parallèle à son invitation au Grand Palais dans le cadre de la manifestation Monumenta 2010, où son projet parle encore de la vie, c’est à la visite de la mort qu’il nous entraîne ici. Le visiteur traverse l’image d’un visage, anonyme, et se retrouve soudainement dans une ville obscure, où les éléments architecturaux géométriques, pleins et noirs, dessinent un chemin qui peut figurer l’errance à venir.

Dans cet environnement sombre et inquiétant, la lumière (au sens propre comme au figuré) surgit des rencontres. Seuls des hommes qui marchent, référence à la quête existentielle de l’humain si magnifiquement figurée par Alberto Giacometti, portent cette lumière en posant aux visiteurs des questions sur la raison de leur présence, sur leur mort donc. Gaiement. Christian Boltanski a fait de la mémoire, de l’histoire collective comme de la plus intime sa matière. Il réconcilie ces deux expressions de l’humanité si souvent face à face, pour mieux raconter des histoires construites sur un réel inventé, parfois évoqué, jamais décrit. La vie et son revers la mort sont le sujet de son oeuvre : elles s’expriment par leurs traces, les photographies, les archives, les objets comme les vêtements qui en sont les pelures, par les monuments qui les célèbrent, par les voix qui les rappellent.

Se rapprochant du théâtre par la création d’un environnement et par la mise en scène de l’espace comme du visiteur, il invente ici un monde à venir, constitué de mémoire compactée dans les structures architecturales, animé par le vent, par le souffle de la vie et par les voix, humaines, réconfortantes, dédramatisant ce futur inconnu. Le visiteur n’est donc qu’en visite, il repart dans le monde présent, marqué par cette expérience éphémère et vertigineuse…

Alexia Fabre,
conservateur en chef du MAC VAL, commissaire de l’exposition

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Entretien avec Alexia Fabre

Entretien entre Christian Boltanski et Alexia Fabre, Mardi 21 juillet 2009

Exposition en deux actes

C.B : L’exposition du MAC VAL est étroitement liée à celle du Grand Palais. C’est une œuvre en deux parties. L’une au Grand Palais intitulée « Personnes », qui est liée à l’idée de la mort et du choix de Dieu, l’autre au MAC VAL, baptisée « Après » se situe dans un après où les douleurs sont atténuées. Le tout fait référence à L’enfer de Dante.

Pour moi, il est très important que le visiteur ne se situe pas devant une œuvre mais plutôt à l’intérieur de celle-ci. Les arts visuels sont un art de l’espace, tandis que le théâtre est un art du temps. Pour ce projet, j’essaie de combiner le temps et l’espace afin de créer une sorte de progression.

J’ai fait le choix du Grand Palais en hiver, il va y faire froid et le froid fait partie intégrante de ce travail.

Labyrinthe

C.B : Au MAC VAL, le visiteur déambule dans un labyrinthe. C’est une errance où la rencontre reste toujours possible...

La Mort

C.B : Il y a un contraste avec le Grand Palais où le spectateur se promène dans un univers de bruit et de fureur ; où la grue représente le doigt du hasard car elle prend et rejette des vêtements. Au contraire, au MAC VAL tout est calme et chaud, seul des personnages, mi pantins, mi anges, répètent des questions ultimes.

Je ne crois pas qu’il y ait quelque chose « après ». La seule chose à laquelle je crois, c’est que nous sommes constitués d’un puzzle de morts. Des milliers de petits morceaux composent notre visage, et aussi notre âme. Ces milliers de choses rendent chaque être humain unique.

Notre rapport à l’art

C.B : On pourrait séparer les artistes en deux grandes familles : ceux qui questionnent l’art et ses formes et ceux qui posent des questions existentielles. Bien sûr, tout cela se mêle, Monet questionne plutôt l’art tandis que Manet interroge la vie. Tout cela est bien entendu restrictif, car ils appartiennent l’un et l’autre aux deux catégories. En art, il n’y a ni progrès ni changements. Nous posons toujours les mêmes questions mais avec des mots de notre temps.

Aujourd’hui, la peinture reste naturellement une manière de s’exprimer. La peinture n’est pas morte et ne mourra jamais. Heureusement, mais c’est ajouté à elle d’autres moyens d’expression. Le peintre se nourrit des arts qui sont autour de lui. Il a digéré la musique, la littérature, le cinéma… et le théâtre. Ce qui me semble particulièrement intéressant ce sont notamment les artistes qui se situent à la lisière.

L’art comme parabole

C.B : Aujourd’hui, j’essaye de poser des questions et de donner des émotions sous forme de paraboles. La forme est au service de l’histoire que je veux raconter. Au Japon par exemple je suis entrain de créer une bibliothèque qui contiendra des centaines de milliers de battements de cœur humains. Depuis déjà deux ans, j’ai installé une cabine d’enregistrement dans de nombreuses villes, plus de quinze mille battements de cœur ont déjà été collectionnés. Il sera bientôt possible d’aller dans l’île d’Ejima et de demander à écouter le cœur de la personne aimée. D’ici quelques années, la plupart de ces cœurs enregistrés seront des cœurs de morts. Ils continueront à battre pour signifier leur présence mais notifier leur absence.

En Tasmanie, je vais jusqu’à ma mort envoyer en direct dans une caverne des images de mon atelier. Là encore, ces images sont censées conserver avec le temps l’image de mon absence. Une grande partie de mon œuvre a été d’essayer de lutter contre la mort, d’arrêter le temps. Naturellement, j’ai su dès le début que ce combat était impossible, perdu d’avance.

Le Hasard

C.B : Je me suis toujours intéressé au hasard. Ainsi dans l’œuvre de Berlin intitulée la maison manquante... Pourquoi une bombe est-elle tombée sur le bâtiment B tuant touts ses occupants, tandis que ceux des bâtiments A et C ont été épargnés ? Plus on vieillit, plus on a l’impression de traverser un champ de mines. Ses amis tombent autour de soi.

Le travail du Grand Palais et celui que je développe pour mon projet en Tansmanie évoquent cette interrogation que soulève le hasard, le doigt de Dieu. Au MAC VAL, le chemin du spectateur et les rencontres avec ces étranges « questionneurs » sont aléatoires.

Transmission

C.B : Je conçois souvent mes œuvres comme des partitions musicales que j’interprète. Tout ce qui va être présenté au MAC VAL et au Grand Palais sera recyclé. Ces pièces seront peut-être exposées ailleurs, elles seront à la fois semblables et différentes. Pour moi, il y a deux types de transmission ; une liée à l’occident qui tourne autour de l’idée de la relique ; et une autre, ailleurs, - comme au Japon où les temples les plus anciens sont reconstruits tous les dix ans -, où l’importance n’est pas tant l’objet lui même mais que des hommes sachent le refaire.

Je m’intéresse depuis longtemps aux reliques. Je sais en même temps que toute relique est fausse. Je suis un menteur et je m’intéresse au mensonge. Par exemple dans ma pièce les Suisses morts, il y a toujours un portrait d’une personne bien vivante. Il suffit d’attendre quelques années pour que cela soit vrai. Ce qui est faux aujourd’hui est la vérité de demain !

Conter des histoires

C.B : Mon métier, ce serait de raconter des petites histoires qui incitent chacun à se poser des questions. Au lieu d’employer des mots, j’utilise des moyens visuels ou sonores à la manière des paraboles. Tout ce que je fais tourne autour de l’idée d’un questionnement, mais ne passe pas toujours pour autant par une question formelle. Je cherche à émouvoir, mais l’art c’est aussi l’artifice. Je ne suis pas là pour dire la vérité mais plutôt pour la faire ressentir au plus grand nombre.

Alexia Fabre

Œuvres

Éléments biographiques

Christian Boltanski en quelques dates.

Né en 1944 à Paris, Christian Boltanski est l’un des artistes majeurs de la scène contemporaine française. Artisan de la mémoire, plasticien du temps, il tisse l’ensemble de son œuvre de références biographiques, celle de sa vie, celle des autres, celle d’anonymes, qui s’accumulent et forment un ensemble composite de souvenirs bruts à forte charge émotionnelle. Loin d’un quelconque souci de véracité, il ne se substitue pas à l’historien, mais retrace, sans limitation de médiums (installation, film, photo, etc.), les aléas de toutes ces vies, ces destinées rattrapées par la mort et recomposées par la mémoire. Traversée par une religiosité diffuse, son œuvre place le visiteur en situation de réappropriation immédiate : vitrines d’objets hétéroclites, murs de portraits d’anonymes, vêtements usagés, tout concourt à créer une ambiance emprunte de nostalgie pathétique. Comme il le dit lui-même : « Mon art parle de l’humanisme d’une religion qui s’est débarrassée d’un dieu puissant pour donner la place à chaque individu »(1) Chacun est donc livré à l’art de Christian Boltanski comme on se regarde dans un miroir où le temps fait son travail, avec ses drames, ses tragédies, ses peurs. Restent alors d’innombrables mythologies individuelles. Sa pratique de plasticien s’est transformée avec les années en un art proche du théâtre, qui privilégie les lieux chargés d’histoire. Ses œuvres se conçoivent aujourd’hui à l’échelle de l’exposition qui, à chaque fois, forme un tout, une œuvre à part entière.

Autodidacte, Christian Boltanski pratique la peinture jusqu’à la fin des années 1960. Il crée, en 1968, l’œuvre qu’il considère comme fondatrice de sa toute sa démarche artistique à venir : le livre d’artiste Recherche et présentation de tout de qui reste de mon enfance, 1944-1950. A partir de ce moment, l’artiste joue avec les codes de l’autobiographie et reconstitue des objets ou des situations de son enfance qu’il présente dans des livres, des vitrines, des boîtes de biscuits, ou encore qu’il diffuse dans des envois postaux. Ainsi naissent des œuvres aux titres évocateurs : La Reconstitution d’un accident qui ne m’est pas encore arrivé et où j’ai trouvé la mort (1969), Essai de reconstitution d’objets ayant appartenus à Christian Boltanski entre 1948 et 1954 (1970), etc.

De 1970 à 1973, il crée les Vitrines de références en détournant les codes muséographiques : des objets hétéroclites, trouvés ou fabriqués par l’artiste, sont exposés dans des vitrines, comme les témoignages répertoriés d’une vie anodine dont il ne reste que des traces frôlant l’absurde. En 1972, L’album de la famille D., présenté à la Documenta de Kassel, lance sa carrière internationale. Dans cette installation photographique, réalisé à partir de l’album de famille de son ami Michel Durand, comme dans les photographies des 62 membres du Club Mickey en 1955 (1972), ou dans Images d’une année de faits divers (1973), l’artiste utilise des images trouvées qu’il agrandit, encadre et organise dans des compositions murales. Les deux artistes dont il se réclame sont Joseph Beuys et Andy Warhol. Au même moment, les Inventaires, sont des installations réalisées sur le mode neutre de la présentation ethnologique, à partir de l’ensemble du mobilier et des objets personnels d’une personne anonyme.

Après la césure plus ironique et grotesque des Saynètes comiques, 1974, dans lequel il se met en scène de façon clownesque, mimant des scènes de son enfance, il reprend un mode distancié et impersonnel dans les Images modèles (à partir de 1975), des photographies qu’il réalise lui-même en suivant les standards de la « belle photographie ». Avec ses installations photographiques il est l’un des principaux fondateurs de la photographie plasticienne, et son travail sur le « goût moyen » anticipe les développements de l’art post-conceptuel. A partir de 1977, il réalise les Compositions (qu’il nomme compositions héroïques, grotesques, architecturales, japonaises, enchantées, etc.), des photographies aux proportions massives, inspirées du modèle pictural, qui reproduisent sur fond noir de petits objets trouvés ou fabriqués par l’artiste. L’agrandissement à une échelle monumentale de ces objets, rapporté à leur caractère dérisoire, met en exergue l’importance toujours démesurée que chacun d’entre nous attache aux choses éphémères et fragiles.

A partir de 1984, il rompt avec ses tableaux photographiques pour revenir vers des œuvres plus proches de l’esprit de ses premiers travaux. Les différentes séries des Ombres, des Monuments, des Reliquaires et des Réserves prennent une tonalité de plus en plus sombre. Les matériaux de ses premières œuvres : photographies trouvées, boîtes de biscuit (utilisées individuellement, en colonnes ou en murs), vont être réutilisés dans des installations au caractère dramatique, hantés par l’idée de la mort. La Shoah devient à partir de cette période un thème prépondérant dans son travail, qui s’affirme ouvertement à partir de l’œuvre qu’il présente à la Documenta 8 de Kassel en 1987. En 1988, le vêtement, dont il recouvre les murs ou le sol, apparaît comme un matériau clé qui viendra progressivement se substituer au portrait photographique : une autre manière de parler de l’individu, à la fois anonyme et singulière, dont le vêtement est comme l’empreinte fantomatique.

L’importance de l’énumération et de l’archivage, puis l’obsession de la liste (ex : Liste des Suisses morts dans le Canton du Valais en 1991, 1993) dont témoignent les œuvres qu’il réalise dans les années 1990, sont là pour rappeler que dans la masse, c’est toujours l’individu qui compte. Comme en 1998, lors de son exposition au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, où il expose sous l’intitulé « Menschlich » (humain) une installation murale faite de centaines de photos d’anonymes « dont on ne savait rien, tous uniques et sans mémoire, sans identité, pas remplaçables et remplacés ». Ces années sont marquées aussi par un fort investissement dans le domaine du spectacle, qui prolonge et enrichit le travail plastique. Il réalise ainsi, en collaboration avec Jean Kalman et Frank Krawczyk, de nombreuses œuvres-spectacles, installations éphémères et animées qui mêlent à des éléments habituels de son vocabulaire l’intervention d’acteurs, de sons et d’effets lumineux, dans des lieux souvent insolites.

Parallèlement à ces spectacles, ses expositions deviennent de plus en plus narratives et scénographiées, formant ainsi une œuvre globale, articulée autour de thèmes particuliers : le temps, la mémoire, l’être humain, la mort. Son travail devient ainsi universel par le détour du particulier et il envisage même, pour l’an 2000, de nommer tous les habitants de la Terre : un projet utopique, qu’il doit abandonner mais dont l’esprit nourrira les œuvres à venir. Il va désormais privilégier des projets au contenu humaniste qui relèvent du registre de la fable, allant jusqu’à former de véritable légendes. Il développe ainsi le projet de constituer une archive de tous les cœurs du monde, pour lequel il collecte, au fil des expositions le son de dizaines de milliers de battements de cœurs de dizaines de milliers d’individus, qu’il enregistre, étiquette, archive, et qui forment, depuis 2005, les Archives du cœur qui seront installées de façon pérenne sur l’île de Teshima, proche de l’ile de Naoshima dans une mer intérieure du Japon, en 2010. Dans le même esprit de ces œuvres « paraboles et utopiques », Christian Boltanski a « vendu sa vie » (l’enregistrement vidéo en continu de ses faits et gestes dans son atelier) en viager à un collectionneur, pour réaliser une installation permanente en Tasmanie. C’est ce qu’il appelle « sa partie contre le diable ».

(1) Entretien avec Elisabeth Lebovici, 2003

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Paroles d’artiste

La mort

« Dans l’exposition du MAC VAL, « Après », il y a un fort contraste avec celle du Grand Palais, « Personnes », où le spectateur se promène dans un univers de bruit et de fureur, où la grue représente le doigt du hasard car elle prend et rejette des vêtements. Au contraire, ici, tout est calme et chaud, seuls des personnages, mi-pantins, mi-anges, répètent des questions ultimes. Je ne crois pas qu’il y ait quelque chose « après ». La seule chose à laquelle je crois, c’est que nous sommes constitués d’un puzzle de morts. Des milliers de petits morceaux composent notre visage, et aussi notre âme. Ces milliers de choses rendent chaque être humain unique. »

L’art comme parabole

« Aujourd’hui, j’essaye de poser des questions et de procurer des émotions sous forme de paraboles. La forme est au service de l’histoire que je veux raconter. Au Japon, par exemple, je suis en train de créer une bibliothèque qui contiendra des centaines de milliers de battements de coeurs humains. Depuis déjà deux ans, j’ai installé une cabine d’enregistrement dans de nombreuses villes, plus de quinze mille battements de coeurs ont déjà été collectés. Il sera bientôt possible d’aller dans l’île de Teshima et de demander à écouter le coeur de la personne aimée. D’ici quelques années, la plupart de ces coeurs enregistrés seront des coeurs de morts. Ils continueront à battre pour signifier leur présence mais notifier leur absence. »

La transmission

« Je conçois souvent mes oeuvres comme des partitions musicales que j’interprète. Tout ce qui est présenté au MAC VAL et au Grand Palais pourra être recyclé. Ces pièces seront peut-être exposées ailleurs, elles seront à la fois semblables et différentes. Pour moi, il y a deux types de transmission : une liée à l’Occident, qui tourne autour de l’idée de la relique, et une autre, ailleurs, comme au Japon où les temples les plus anciens sont reconstruits tous les dix ans, où l’important n’est pas tant l’objet lui-même, mais que des hommes sachent le refaire. »

Conter des histoires

« Mon métier, ce serait de raconter des petites histoires qui incitent chacun à se poser des questions. Au lieu d’employer des mots, j’utilise des moyens visuels ou sonores, à la manière des paraboles. Tout ce que je fais tourne autour de l’idée d’un questionnement, mais ne passe pas toujours pour autant par une question formelle. Je cherche à émouvoir, mais l’art, c’est aussi l’artifice. Je ne suis pas là pour dire la vérité, mais plutôt pour la faire ressentir au plus grand nombre. »

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