Alain Jacquet

Huile sur toile, 195 x 130 cm.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
© Adagp, Paris 2007.
© photo Jacques Faujour.

Notice

Lorsqu’il débute les « Camouflages » en 1962, Alain Jacquet est un tout jeune artiste formé à l’École des beaux-arts de Paris, imprégné de culture anglo-saxonne et curieux d’expérimentations picturales. Avec cette série qui rappelle les « Transparences » de Francis Picabia, l’artiste superpose sur une toile deux images identifiables, l’une camouflant l’autre pour en créer une nouvelle, ambiguë.

Dans Camouflage Vénus noire se chevauchent l’image d’une femme nue de dos et celle d’un neuf de trèfle, sur un fond vert qui suggère un tapis de jeu. L’artiste a dessiné les deux motifs au trait à même la toile, puis a peint les surfaces délimitées en aplat de couleurs primaires et complémentaires. La Vénus est un clin d’œil à l’un des « Camouflages » les plus célèbres, Camouflage Botticelli, naissance de Vénus (trois versions en 1963-1964), qui superpose avec humour et provocation l’une des icônes de l’histoire de l’art à une pompe à essence Shell. À la Vénus anadyomène, aérienne et diaphane, succède cette Vénus noire callipyge, pin-up érotico-exotique. L’association de la femme désirable et de la carte à jouer évoque les jeux de fantaisie en vogue au XIXe siècle qui, d’apparence ordinaire, révèlent lorsqu’on les place devant une source lumineuse des situations érotiques. Le choix de l’enseigne du trèfle, synonyme d’argent en argot, suggère par ailleurs sa vénalité. Femme, argent et jeu composent ainsi une vision fantasmatique, celle des plaisirs masculins… ou de ses clichés. En 1964, Alain Jacquet expose une sélection de « Camouflages » à la galerie _ Alexander Iolas de New York et reçoit, le soir du vernissage, lui-même camouflé dans un costume confectionné avec de la soie de parachute, Andy Warhol, Roy Lichtenstein et le marchand Léo Castelli.

Camouflage Vénus noire est l’une des dernières toiles de cette série. Quelques mois plus tard, l’artiste réalisera son œuvre la plus connue, Le Déjeuner sur l’herbe. À l’ambiguïté perceptive fondée sur la superposition succède un trouble construit par le tramage agrandi de l’image. D’un camouflage à un autre, Alain Jacquet affirme sa volonté de maintenir une distance par rapport aux images, comme une élégance.

I.L.