# Œuvres de la collection

2019

Bianca Argimón

Weltschmerz

Weltschmerz
2019
Crayons de couleur sur papier, 97 x 130 cm.
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
© DR.


Bianca Argimón
Weltschmerz

👉Au sujet de Bianca Argimón

À droite, Gina Pane, Souvenir enroulé d’un...

Vue d’exposition (L’œil impossible)

À droite, Gina Pane, Souvenir enroulé d’un matin bleu, 1969
aluminium, feutre bleu sur bois
En haut, Geneviève Asse, Cercle fenêtre, 1973
huile sur toile
Au centre, Philippe Lepeut, Suite Figmenta Poetica I et Suite Figmenta Poetica I, 1988
huile sur toile
À droite, Geneviève Asse, Hommage à Saenredam, 1968-1969
huile sur toile
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

À droite, Peter Stampfli, M 301, 1970 huile...

Vue d’exposition (L’œil biface)

À droite, Peter Stampfli, M 301, 1970
huile sur toile
Au centre, Bernard Rancillac, Le retour de Mickey, 1964
huile sur toile
Peter Saul, Businessman n° 6, 1963, huile sur toile
À droite, Jacques Monory, Opéra intime n° 12, 1975
huile sur toile, photographie sous Plexiglas, impacts de balles
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

À gauche, Alain Jacquet, Le déjeuner sur...

Vue d’exposition (L’œil Restany)

À gauche, Alain Jacquet, Le déjeuner sur l’herbe, 1964
quadrichromie sérigraphiée, vernis cellulosique sur toile
Daniel Spoerri, Les Puces, 1961
Assemblage d’objets usages sur table en bois et isorel
Au centre, César, Compression, 1995, bicyclettes
À droite, Daniel Spoerri, L’éruption du Wesuwoff en Sibérie, 1985
acrylique sur tapis contrecollé sur bois
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

À gauche, Alberto Magnelli, Sans titre, 1956...

Vue d’exposition (L’œil imprévisible)

À gauche, Alberto Magnelli, Sans titre, 1956
crayon sur papier
Au fond, Alfred Manessier, Le procès de Burgos, 1970-1971
huile sur toile
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

À gauche, Christian Jaccard, Polyptyque,...

Vue d’exposition (L’œil libéré)

À gauche, Christian Jaccard, Polyptyque, combustion sur modules, 1991
acrylique, brûlure sur toile
Au premier plan, Bernard Pagès, Série de six assemblages jumelés, 1975
bois, fil de fer
À droite, Noël Dolla, Palissade, 1970-2009
bois, peinture lasurée
François Rouan, Tressage gris, vert et bleu, 1967-1972
pigments, colle vinylique sur toiles
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

À gauche, Jean Dubuffet, Champ de sable...

Vue d’exposition (L’œil pilote)

À gauche, Jean Dubuffet, Champ de sable (Texturologie XVII), 1958, Terre rouge, 1957, Formations globuleuses, 1959
huile sur toile
Dépôt de la Fondation Dubuffet
Au centre, Jean Dubuffet, Pince bec, 1960
papier mâché
Dépôt de la Fondation Dubuffet
À droite, Jean Dubuffet, Matière et poids, 1960, papier mâché, pâte plastique
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

À gauche, Jesús Rafael Soto, El cuadrado...

Vue d’exposition (L’œil moteur)

À gauche, Jesús Rafael Soto, El cuadrado escarlata, 1987
acrylique à l’aérographe sur bois, reliefs métalliques
À droite, Luis Tomasello, Réflexion 24, 1959, acrylique sur bois
Luis Tomasello, Atmosphere chromoplastique 102, 1961-1963
acrylique sur bois
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

À gauche, Olivier Debré, Signe personnage...

Vue d’exposition (L’œil imprévisible)

À gauche, Olivier Debré, Signe personnage violet, 1957-1958
huile et brindilles sur toile
À droite, Geer Van Velde, Composition], 1965 et Composition, 1970
huile sur toile.
Alberto Magnelli, Légende, 1958
huile sur toile
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

À gauche, Pavlos, Neuf pinceaux et deux pots à...

Vue d’exposition (L’œil curieux)

À gauche, Pavlos, Neuf pinceaux et deux pots à peinture sur une étagère, 1994
bois, objets peints, papiers
Au centre, Pavlos, Baroque, 1966, papiers sur contreplaqué
Daniel Pommereulle, Objet de prémonition, 1974-1975
pot de peinture, lames de scalpel, lames de baïonnettes, feuilles de plomb, peinture acrylique
À droite, Jiři Kolař, Après-midi abandonné d’avant l’orage, 1981
chanvre, coton, papier sur bois
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

À gauche, Pierre Buraglio, Masquage, 1979...

Vue d’exposition (L’œil périphérique)

À gauche, Pierre Buraglio, Masquage, 1979
rubans adhésifs, peinture, papier calque, agrafes
Au fond, Pierre Buraglio, Fenêtre, 1977
fenêtre, verres, mastic
Philippe Gronon, Châssis-presse (n°7, n°8, n°11, n°17, n°20), 2018-2021
épreuves numériques pigmentaires
À droite, Philippe Gronon, Verso n°35, Portrait de Michel-Ange, par Bugiardini Giuliano, collection du musée du Louvre, 2009
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

À gauche, Pol Bury, Douze courbes allongées,...

Vue d’exposition (L’œil moteur)

À gauche, Pol Bury, Douze courbes allongées, 1990
cuivre, moteur
Au centre, Marino di Teana, Tour-jardin II, 1963-1972
acier
À droite, Peter Stampfli, M 301, 1970
huile sur toile
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

Abraham Poincheval

Walk on Clouds, 2019
Vidéo, couleur, son, 14’05’’
Collection MAC VAL. Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France
©Adagp, Paris

La mer immense et la petite mer immense

Agnès Varda

La mer immense et la petite mer immense

Agnès Varda, La mer immense et la petite mer immense, 2003.
Impression numérique couleur sur toile polyester et tirage argentique, son, 280 × 500 cm (La mer immense) ; 34 × 60 cm (La petite mer immense).
Collection MAC VAL. Vue de l’exposition de la collection « Le vent se lève », MAC VAL 2020. Photo © Philippe Lebruman.

2006

Agnès Varda

Le tombeau de Zgougou

2006
Installation audiovisuelle : vidéos, son, sable, plantes vertes,
musique (Steve Reich, Winds and Brass [with Strings]),
2 plantes vertes, dimensions variables.
Collection MAC/VAL,
musée d’art contemporain
du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation
du FRAM Île-de-France.
Photo © DR.

Notice

Photographe, réalisatrice et productrice, Agnès Varda est l’une des grandes figures du cinéma indépendant en France. Après des études à l’École du Louvre et un CAP de photographie, elle devient la photographe du TNP de Jean Vilar et du festival d’Avignon. Cinéaste précoce, elle débute avec La Pointe courte en 1954, annonçant par ses audaces formelles la Nouvelle Vague. Très libre dans son approche et dans ses constructions narratives, elle ne fait pas de distinction entre fiction et documentaire : chez elle, le réel est toujours à la fois une source de métaphores et de récits. Elle fut aussi la compagne du réalisateur Jacques Demy, encore très présent dans son travail.

Dans les années 2000, Agnès Varda entame une nouvelle carrière en tant qu’artiste plasticienne. En 2003, elle crée Patatutopia, sa première installation, à l’invitation de la Biennale de Venise. En 2006, la Fondation Cartier organise une grande exposition monographique : « L’ÎLE et ELLE ». La Mer immense et la Petite Mer immense est une installation photographique.
Photographe avant tout, Agnès Varda capture un « instant » : « Je passais sur la plage et j’ai vu cette lueur qui tombait droit du ciel sur une petite partie lointaine de l’océan […]. J’ai déclenché une prise de vue, une seule. » À partir de cet instant, l’artiste crée un dispositif d’exposition qui interroge le statut de l’image et l’histoire picturale et photographique du motif. Comment ne pas penser aux marines de Gustave Le Gray (1856-1858), où la mer apparaît comme une immensité vide, grise et dorée, surface réfléchissante sous des ciels chargés ? Tout s’opposait alors à la photographie naissante : l’étendue de l’eau, l’importance des reflets, le mouvement perpétuel. Il fallait donc « construire » son image, en supprimant les éléments relatifs à l’échelle afin de donner le sentiment de grandeur. Pour rendre à la fois le ciel et la mer, Le Gray plaça deux négatifs sur une même épreuve, un ciel de campagne pouvant accompagner la mer. Ainsi, l’une des premières représentations « réelles » de la mer est une image composée qui cherche à imiter une partie des effets de la peinture. On peut penser que la mémoire de la photographe et celle de l’ancienne étudiante de l’École du Louvre sont mobilisées au moment de la prise de vue.

Agnès Varda orchestre une véritable « scénographie » : l’image est présentée trois fois, sur des supports différents, et s’accompagne d’une bande-son qui fait entendre en boucle le bruit marin. Elle joue à faire co-exister différents systèmes de vision : celui du cinéma et de la profondeur de champ, celui de l’affiche et d’une vision éloignée, celui de l’ordinateur et de ses fenêtres superposées. Toutes modalités qui s’opposent au format tableau et à sa capacité à focaliser le regard. Le Tombeau de Zgougou mêle deux registres : le sentimental et le symbolique. La chatte Zgougou passe une vingtaine d’années dans la tribu Varda-Demy. Elle traverse les films, en mascotte de la maison-bureau de production de la rue Daguerre, en figurante, en « actrice ». Offerte à Jacques Demy par sa monteuse Sabine Mamou, elle leur survit à tous deux. Sa mort ravive le deuil de ceux qui l’ont connue et qui ne sont plus là. Le « tombeau » est traditionnellement une composition musicale ou poétique qui rend hommage à un artiste admiré (Charles Baudelaire écrivit un « tombeau d’Edgar Poe »).

En en créant un pour un animal de compagnie, Agnès Varda associe les contraires : l’installation tient à la fois du funéraire et du jeu d’enfant. Elle est triste et magnifique, sentimentale et tragique, dérisoire et magique. Agnès Varda recrée un petit monticule de terre, semblable à la tombe improvisée par son fils dans le jardin de la maison familiale de Noirmoutier. Il y a d’abord la projection d’extraits de films qui montrent Zgougou en action. L’installation révèle l’ambiguïté des actes familiaux. On croirait assister à une projection de films de famille, mais, déplacée dans l’espace d’exposition, c’est la proximité avec un rituel chamanique qui apparaît.
Sur une figure de tombe, on fait venir l’esprit du chat : le voici qui bouge et saute. Il devient une incarnation symbolique de la famille Varda-Demy, un animal totémique. Si le cinéma, comme dit Jean-Luc Godard, fabrique de la mémoire, la chatte Zgougou est dépositaire de la mémoire familiale.
Ensuite, la projection se fait lanterne magique, théâtre d’ombres colorées : l’animal disparaît, des coquillages recouvrent progressivement le simulacre de tombeau. À l’arrière-plan, les branches se chargent de roses en papier crépon. C’est un jeu de plage qui devient une célébration. Le mouvement final décrit une élévation visuelle et symbolique, soulignée par la diffusion de Winds and Brass (with Strings) du compositeur Steve Reich.

En utilisant les moyens du cinéma, la grue et l’hélicoptère, Agnès Varda inscrit le tombeau dans l’île puis dans l’océan. La chatte minuscule devient la métaphore de notre propre petitesse dans l’univers. L’histoire intime finit en vanité contemporaine.

Ar. B.

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2005

Alain Bublex

Dinner Time

2005
Vidéo-projection béta numérique transférée sur DVD, couleur, sonore, 10’44’.
Collection MAC/VAL, musée d’art contemporain du
Val-de-Marne.
Acquis grâce au mécénat de la société Berim.
Photo © Jacques Faujour.

Notice

Après des études d’arts appliqués et dix ans passés chez Renault comme designer industriel, Alain Bublex décide de se consacrer à l’invention toujours, non plus d’objets destinés à la production industrielle en série, mais à celle d’un regard porté sur le monde. Nourri de données tout autant réelles que fictives, il met en jeu le dessin, la photographie et plus récemment l’installation vidéo pour rendre compte de l’existence du paysage contemporain, y apportant son humour et de nouvelles perspectives et trajectoires…

Si les questionnements sur l’architecture et l’urbanisme – à côté de sujets comme le design, la mode, l’alimentation… – marquent une constante dans son oeuvre, c’est que ces activités, déterminantes dans l’organisation anthropologique, politique et sociologique de nos espaces de vie, façonnent le paysage contemporain à grande échelle et révèlent une concomitance particulièrement étroite entre imaginaire et réel. Le projet architectural se situe, en effet, à la frontière entre projection mentale et construction concrète, entre poésie et ingénierie. Ni architecte ni urbaniste, mais séduit par la qualité intrinsèque des projets – leur aspect formel, leur force… –, Alain Bublex réadapte des propositions architecturales et d’urbanisme inabouties, abandonnées ou reléguées au rayon des utopies des architectes, de Le Corbusier à Renzo Piano. Leur faisant « prendre l’air une nouvelle fois », il les confronte au réel pour établir une perspective entre différents moments de l’histoire de l’architecture.

Ainsi, le groupe d’architectes utopistes anglais Archigram, et plus particulièrement le travail de Peter Cook, l’amènent en 2000 à imaginer une ville modulable, composée de cellules habitables greffées sur l’architecture préexistante en fonction des besoins temporaires de leurs habitants. Donnant corps à une utopie née dans les années 1960 de la critique des politiques d’urbanisation, il met en oeuvre un système de réinvention de la ville. Plug-In City, 1964-2000 fait partie de la première génération de ce programme de réinvention du réel et pose ses fondements. Un fragment du plan Plug-In City de 1964 de Peter Cook y côtoie vingt photographies d’Algeco prises sur différents chantiers. La juxtaposition met en évidence la parenté entre ces habitacles éphémères, révèle le potentiel de ce baraquement de chantier à devenir l’unité élémentaire de la ville modulable réactualisée par Alain Bublex et suggère implicitement la piste à suivre pour concrétiser éventuellement le projet d’intervention architecturale de Peter Cook, resté au stade théorique.

D’autres plug-ins ont vu le jour depuis. Pour ce projet artistique qui consiste à envisager le paysage comme chantier, Alain Bublex a commencé à photographier intentionnellement le paysage urbain, sur lequel il intervient dans un second temps. Ce geste artistique, par lequel l’enregistrement du réel s’inscrit soudain sur le même plan que l’intervention fictive des plug-ins, a sensiblement réorienté son travail et permis d’y introduire par la suite la vidéo.

An.B.

1964-2000

Alain Bublex

Plug-in City

1964-2000
Épreuve chromogène
Inventaire n°2001 907
Acquis avec la participation du FRAM Ile-de-france

Alain Bublex
Plug-in City, 1964-2000

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1999-2000, 48h

Alain Bublex

Ryder Project

1999 - 2000
Installation : vidéo, couleur muette, présentée dans une salle de cinéma, boissons mises à disposition des visiteurs sur une table, 48 h, dimensions variables.
Collection MAC/VAL, musée d’art contemporain du
Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.

Notice

C’est le point de vue subjectif, à bord d’une voiture, qu’Alain Bublex privilégie dans Ryder Project, tentant une forme d’intervention éphémère dans le paysage américain en suivant pendant onze jours un convoi de trois camions de déménagement à travers le pays, d’est en ouest. Il retient dans ce projet l’aspect métaphorique du paysage : « Aux États-Unis, la métaphore de l’histoire ne provient que très rarement d’une construction humaine, mais plutôt du paysage lui-même […] et ce n’est pas un lieu précis mais plutôt une étendue et le mouvement qui la parcourt. » Aussi rejoue-t-il intuitivement un geste cinématographique ancestral : le travelling avant, très employé dans le cinéma des origines, quand l’expérience optique et sensorielle prédominait encore et que les paysages, les vues panoramiques, les images prises à partir de trains faisaient partie des attractions cinématographiques. Ce même geste archétypal traverse en filigrane tout le cinéma hollywoodien, évoquant, du western au road movie, le mythe de la conquête de l’Ouest et plus généralement ce nomadisme volontaire ou contraint, d’hier et d’aujourd’hui, qui caractérise le peuple américain comme il marque son rapport au paysage.

C’est à ce même mythe structurant que fait justement référence l’action d’Alain Bublex. Ryder Project continue à évoquer l’expérience cinéma quand l’artiste nous propose d’assister, dans l’intimité d’une salle obscure, à la projection bout à bout des quarante-huit heures de rushes résultant de cette traversée. Ryder Project peut être pris comme une invitation au voyage : se laisser bercer par la succession des paysages, sans finalité apparente, le temps que l’on voudra accorder à cette expérience.

An.B.

C’est pas beau de critiquer ?

Carte blanche au critique d’art qui nous offre un texte personnel, subjectif, amusé, distancié, poétique… critique sur l’œuvre de son choix dans la collection du MAC/VAL.. C’est pas beau de critiquer ? Une collection de « commentaires » en partenariat avec l’AICA/Association Internationale des Critiques d’Art.

Alain BUBLEX, Ryder Project, 1999-2000

À précisément 9 heures du matin, le 19 avril 1995, le militant d’extrême droite américain Timothy McVeigh gare un camion de déménagement, loué à la société Ryder, et bourré d’explosifs, devant le bâtiment fédéral d’Oklahoma City. L’explosion deux minutes plus tard provoquera la mort de 290 personnes, dont les employés de l’agence locale du FBI et les enfants d’une crèche. McVeigh luimême est rapidement identifié et arrêté, les enquêteurs remontant la trace du véhicule de location. Omniprésent dans les médias, le camion jaune de Ryder – la référence en matière de déménagements sur le continent nord-américain – devient presque immédiatement et irréversiblement l’icône indélébile de l’attentat dans la conscience collective. En effet, le camion jaune (blasonné de la devise « There when you need us ») devient à ce point indissociable du terrorisme que Ryder procédera au changement de couleur et du graphisme de sa flotte de dizaines de milliers de véhicules, chacun semblant rappeler le crime et constituer une bombe en puissance qui s’insère comme un signe incongru et vaguement sinistre dans la singularité quelconque du paysage américain. Or, dans ce contexte-là, et dans un pays où le déménagement est un acte fondateur, souvent provoqué un échec mais toujours prometteur d’une vie recommencée et meilleure, qu’en penser d’un convoi de plusieurs qui traverse lentement le continent ?

Car justement, avant que Ryder ne repeigne tous ses véhicules, Alain Bublex en loue trois d’une agence de la côte est. Et pendant onze jours, il filmera depuis la cabine d’un d’entre eux la traversée transcontinentale de ce convoi, d’une inquiétante familiarité aux yeux de ceux qui l’entrevoient sur la route. Des centaines d’heures de rushes, l’artiste fait un road movie de quelque douze heures, monté de façon la moins événementielle qui soit : moins une documentation du voyage que l’activation d’une intervention à très faible coefficient de visibilité artistique. L’artiste parle du convoi comme « élément de composition » mobile dans la vaste étendue du paysage constitutif de l’identité américaine. Le film qui le donne à voir est à la fois intriguant (se passera-t-il quelque chose ?) et parfaitement sans intrigue : n’aura lieu finalement que le lieu, la route, car comme l’affirme Bublex, « la route est un lieu à part entière et non pas un espace vide entre deux endroits ».

Or dans la logique du Ryder Project, la salle du cinéma construite au musée dans laquelle le film est projeté est elle aussi un lieu à part entière davantage qu’un espace vide entre deux temps : elle incarne non pas un moment de documentation mais d’activation. À la puissance des médias qui avaient transformé le camion Ryder en icône, Bublex active un média à la fois bien plus ancien et infiniment plus corrosif et incontrôlable car totalement implicite : la rumeur. Or de telles interventions furtives soulèvent une question incontournable : celle de leur visibilité spécifique en tant qu’art – non pas à cause de leur caractère éphémère, mais parce qu’elles ont lieu en dehors de tout cadre artistique. Rien en particulier n’incite celui qui les voit, ou les entrevoit, de se constituer en spectateur. Ce n’est que par une documentation « performative » qu’une action symbolique en dehors de tout cadre artistique retrouve un certain coefficient d’art. Ainsi Ryder Project n’est-il pas « que » l’insinuation continue du signe dans le paysage, c’est tout autant l’activation de ce geste. Une salle de cinéma peut-elle fonctionner comme dispositif performatif ? Une salle de cinéma est un lieu aux usages multiples : or ici son usage principal – la consommation d’images – est accessoire : le spectateur se sent comme lavé par le flux d’images qu’il ne verra jamais dans sa totalité.

En faisant usage de la puissance insinuante de l’anomalie dans l’espace public, puis en la réactivant dans une salle de projection au musée, Alain Bublex interroge la capacité de l’art à déclencher une opération d’incertitude collective : la rumeur visuelle comme média.

Stephen Wright

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1964

Alain Jacquet

Camouflage Vénus noire

Huile sur toile, 195 x 130 cm.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
© Adagp, Paris 2007.
© photo Jacques Faujour.

Notice

Lorsqu’il débute les « Camouflages » en 1962, Alain Jacquet est un tout jeune artiste formé à l’École des beaux-arts de Paris, imprégné de culture anglo-saxonne et curieux d’expérimentations picturales. Avec cette série qui rappelle les « Transparences » de Francis Picabia, l’artiste superpose sur une toile deux images identifiables, l’une camouflant l’autre pour en créer une nouvelle, ambiguë.

Dans Camouflage Vénus noire se chevauchent l’image d’une femme nue de dos et celle d’un neuf de trèfle, sur un fond vert qui suggère un tapis de jeu. L’artiste a dessiné les deux motifs au trait à même la toile, puis a peint les surfaces délimitées en aplat de couleurs primaires et complémentaires. La Vénus est un clin d’œil à l’un des « Camouflages » les plus célèbres, Camouflage Botticelli, naissance de Vénus (trois versions en 1963-1964), qui superpose avec humour et provocation l’une des icônes de l’histoire de l’art à une pompe à essence Shell. À la Vénus anadyomène, aérienne et diaphane, succède cette Vénus noire callipyge, pin-up érotico-exotique. L’association de la femme désirable et de la carte à jouer évoque les jeux de fantaisie en vogue au XIXe siècle qui, d’apparence ordinaire, révèlent lorsqu’on les place devant une source lumineuse des situations érotiques. Le choix de l’enseigne du trèfle, synonyme d’argent en argot, suggère par ailleurs sa vénalité. Femme, argent et jeu composent ainsi une vision fantasmatique, celle des plaisirs masculins… ou de ses clichés. En 1964, Alain Jacquet expose une sélection de « Camouflages » à la galerie _ Alexander Iolas de New York et reçoit, le soir du vernissage, lui-même camouflé dans un costume confectionné avec de la soie de parachute, Andy Warhol, Roy Lichtenstein et le marchand Léo Castelli.

Camouflage Vénus noire est l’une des dernières toiles de cette série. Quelques mois plus tard, l’artiste réalisera son œuvre la plus connue, Le Déjeuner sur l’herbe. À l’ambiguïté perceptive fondée sur la superposition succède un trouble construit par le tramage agrandi de l’image. D’un camouflage à un autre, Alain Jacquet affirme sa volonté de maintenir une distance par rapport aux images, comme une élégance.

I.L.

1967

Alain Jacquet

Bulldozer

1967.
Sérigraphie sur plexiglas.
Collection MAC/VAL - musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
© Adagp, Paris 2014.
Photo © Marc Domage.

Pour concevoir Bulldozer, Alain Jacquet s’est inspiré de la technique du tramage de la sérigraphie très utilisée en publicité, qui consiste à composer une image par une multitude de points de couleur.
En agrandissant exagérément une photographie de Bulldozer, symbole contemporain de la destruction, l’artiste déconstruit l’image figurative jusqu’à la rendre illisible. Souvent qualifiées de Mechanical Art, un art expérimental dont la création repose sur des techniques de reproduction mécaniques, les œuvres d’Alain Jacquet empruntent tant au Pop Art qu’à l’expressionnisme abstrait, deux mouvements picturaux encore dominants au milieu des années 1960. S’affranchissant de la toile, il utilise un support transparent et malléable, le Plexiglas, qu’il déforme pour introduire dans son travail la notion de volume.

Alain Jacquet

Le déjeuner sur l’herbe, 1964
Quadrichromie sérigraphiée et vernis cellulosique sur toile, 175 x 195 x 2,5 cm
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole.

2005

Alfred Gharapetian

Pictogramme

2005
Impression dos bleu sur papier mural, dimensions variables.
Collection de la ville de Vitry-sur-Seine.
Photo © Jacques Faujour.

Alfred Gharapetian collecte des images généralement prises dans les médias fixes ou télévisuels du monde entier sur toutes sortes de sujets – animalier, politique, show business… – ainsi que des images extraites de catalogues de tourisme ou issues de l’histoire du cinéma.
Par associations et combinatoires, son travail consiste à en proposer d’autres agencements pour une grille de lecture hautement critique. PICTOGRAM est une vidéo élaborée à partir des images d’un catalogue suisse de signalétique ISO : quarante pictogrammes utilisés dans les chantiers, ports, aéroports ou zones militaro-industrielles. Par un procédé d’animation, les images se succèdent, les moments de passage produisent une forme hybride puis un silence, un brouillage de la représentation et de sa fonction.
Sinistre et fascinant dessin animé faisant apparaître un phénomène de coloration étrange. De la prévention à l’interdiction, ce sont autant de signes qui tiennent l’humain à distance et semblent nous dire que le monde est dangereux. L’installation Pictogramme est la mise à plat des 2 383 signes imprimés sur un papier mural, permettant de saisir dans sa globalité la richesse graphique de cette proposition.

2016

Ali Cherri

Petrified/Fragments I

Ali Cherri, Petrified/Fragments I, 2016.
Vidéo, couleur, son, objets archéologiques fragmentaires, objets ethnographiques, moulage de crâne, oiseau naturalisé, table lumineuse, 70 × 400 × 90 cm
Collection MAC VAL. Acquis avec la participation du Fram Île-de-France.
Vue de l’exposition de la collection « Le vent se lève », MAC VAL 2020.
Photo © Philippe Lebruman.

Ali Cherri
Petrified-fragments

André Raffray

Vue d’exposition (L’œil retors)

Marcel Duchamp en douze images, 2001
Tirage numérique sur film polyester
Centre national des arts plastiques
Dépôt au Musee des Beaux-Arts de Rouen
Photo © Aurélien Mole

1994

Ange Leccia

Orage

Vidéo

Notice

Depuis les années 1980, Ange Leccia mène simultanément une réflexion sur l’objet et un travail sur l’image en mouvement, qui renvoient « à un état non définitif des choses, à une pratique de réemploi de matériels préexistants destinés à endosser d’autres sens » (Giorgio Verzotti). Il attire ainsi notre attention sur la violence et la puissance de certains objets contemporains issus de l’industrie technologique en confrontant des voitures ou des motos, des téléviseurs ou des projecteurs… La disposition en face à face d’objets identiques, souvent reliés par la lumière, efface leur fonctionnalité au profit d’une réflexion sur leur signification et la manière dont ils reflètent la société qui les utilise. Parallèlement, Ange Leccia se sert de la vidéo, non dans un contexte narratif comme dans un film cinématographique, mais plutôt par la répétition d’images en boucle, permettant au spectateur de saisir l’œuvre dans l’instant ou de l’appréhender dans le temps sur un mode contemplatif. Mais ici, il s’agit de la contemplation d’une image-mouvement. Le cinéma, qui reste par ailleurs une source d’inspiration, est le matériau même d’une partie de ses œuvres, dans lesquelles il isole et repasse de manière ininterrompue une séquence remarquable de l’histoire du cinéma, comme une explosion extraite de Pierrot le fou de Jean-Luc Godard en 1986. Que ce soit par la sérénité ou la violence des images, Ange Leccia interroge le spectateur sur leur sens.

À travers une partie de son travail vidéo, Ange Leccia explore les éléments. Dans les années 1990, il réalise des œuvres basées sur la répétition de phénomènes naturels : avec La Mer (1991), il filme le flux et le reflux des vagues sur le rivage corse. Au cours d’un séjour à La Réunion, il s’intéresse aux Fumées (1995) qui s’échappent de la cheminée d’une usine de sucre. Le ressac de la mer comme le mouvement des fumées créent un effet très pictural que l’on retrouve dans l’Orage. La lumière des éclairs sur fond sombre s’inscrit dans la continuité de la peinture de paysage. L’étude de la luminosité et l’effet produit par les contrastes rappellent les œuvres du Lorrain ou de Joseph Vernet. Mais cette œuvre est également en mouvement et sonore : le spectateur se trouve dans un espace à l’intérieur duquel il perçoit l’orage dans ses manifestations visuelles et auditives. Les différentes parties de l’écran s’éclairent tour à tour en fonction du jeu des éléments climatiques. Le clignotement lumineux des éclairs qui zèbrent le ciel et illuminent les nuages noirs, les grondements sourds du tonnerre et le crépitement de la pluie évoquent un véritable déluge, le paysage n’est que lumière. Le visiteur est au cœur de la pièce, en déplacement face à cette œuvre en mouvement. Le dispositif place ainsi le spectateur dans un environnement visuel et sonore lui restituant les sensations du déchaînement climatique, la fascination de l’esthétique du spectacle naturel et les frayeurs enfantines qui y sont liées.

Sans titre de 1985 révèle un autre aspect essentiel du travail d’Ange Leccia, le questionnement des objets de notre société : des morceaux de parpaings brisés laissent apparaître au centre d’un cube de béton la « neige » de l’écran d’un téléviseur.
L’artiste utilise l’élément d’un univers technologique chargé de transmettre des images et des informations. À l’inverse de l’objectif visé, non seulement l’écran, mis en abime, est en grande partie caché comme au fond d’un puits, mais la lumière qui s’en dégage n’exprime que le vide et la vacuité de l’information, voire son leurre. Ici, le vide est associé à la violence tant dans le choix des matériaux qui renvoient à la guerre et à la destruction que par le désagrément auditif. L’éblouissement et le crépitement qui émanent de ce dispositif questionnent le spectateur sur le rôle de l’image et des médias dans notre société de l’information.

V. D.-L.

1982

Ange Leccia

Maria Callas

Maria Callas
1982.
Vidéo 4/3, couleur, muette, 15’38’’.
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France
© Adagp, Paris 2015.

Depuis plus de 30 ans, Ange Leccia explore la matière de l’image vidéo. Par des variations de la vitesse de défilement, de l’intensité lumineuse ou encore de la synchronisation avec le son, l’artiste travaille les images pour leur donner une épaisseur propice à la contemplation.
Pour Maria Callas, l’artiste refilme des images existantes de la célèbre cantatrice jusqu’à leur donner un grain épais dans laquelle le visage, maintes fois reproduit tend à se noyer, à disparaître. Nourrissant un même questionnement sur le passage du temps, Logical Song est un portrait d’une toute autre nature, plus intime et doux, rappelant les premières peintures de portraits conservées dans l’histoire de l’humanité dans la région du Fayoum, en Egypte romaine. Une chanson du groupe de rock Supertramp (fondé en 1969) donne son nom à la vidéo. Elle est chantonnée avec ferveur par la propre fille de l’artiste, dans une grande simplicité de mise en scène.

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Ange Leccia
Maria Callas

1995-1996

Ange Leccia

So sad

Vidéo, couleur, son, 30 minutes en boucle.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France
© Adagp, Paris 2007.

Notice

Au milieu des années 1980, parallèlement à la série des « Arrangements », où deux objets, positionnés face à face, se regardent comme un couple amoureux, Ange Leccia réalise des vidéos inspirées de phénomènes naturels ou accidentels mais spectaculaires et reproduits en boucle. L’adolescence est aussi une source d’inspiration lorsqu’il filme la même année une vidéo qui porte le prénom de sa propre fille, Sabatina, et So sad.

Une jeune femme est assise dans sa chambre et chante, probablement un peu faux, sur une chanson d’Elton John, Sorry seems to be the hardest word (1976), qu’on entend derrière la sienne. Elle fait face au spectateur comme à un miroir, chante pour elle sans retenue, seule dans un moment d’intimité. Rien n’est dit, mais on imagine le désarroi d’une rupture amoureuse, une sensibilité féminine à fleur de peau. L’émotion affleure dans les silences, les gestes, les regards, les respirations.

La mise en scène est particulièrement sobre : une jeune actrice filmée en plan américain fixe. L’artiste superpose à l’image filmée une chanson pop de sa jeunesse, qui remplace toute parole. Les genres se mélangent, suscitent un lyrisme et une fascination nostalgique pour l’âge étrange de l’adolescence, oscillant entre fragilité et ouverture vers tous les possibles. Il n’y a pas d’histoire, mais le fil d’une chanson, une fiction allusive qui laisse champ libre à l’imaginaire. Le spectateur, positionné là où pourrait être un miroir, se surprend, pris au jeu, à refléter l’état d’âme de la jeune femme. « Je tiens compte de la part émotive, subjective, à la limite classique de l’œuvre d’art. Je ne veux pas être seulement un “entremetteur” d’éléments, je veux qu’il y ait toujours une part de sentiment » (Ange Leccia).

Cette œuvre-ci est sur le versant sombre et évoque pour l’artiste une vie sans avenir, une défaite morbide, la négation, l’autisme, le suicide. Et, par-dessus tout, le renoncement : chanter sur une chanson, coller à ce qui existe jusqu’à s’oublier soi-même.

I.L.

2016

Angelika Markul

Si les heures m’étaient comptées

Si les heures m’étaient comptées
2016.
Installation vidéo, vidéo noir et blanc, son, durée 11’47’’. Musique de Simon Ripoll-Hurier.
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Photo © DR.


Deux personnages en combinaison progressent au sein d’un espace énigmatique, envahi de formes minérales dont la transparence laisse passer la lumière des lampes frontales. Scène réelle ou fictive ?
Angelika Markul nous dévoile un indice : le mot « NAICA », inscrit sur le sac à dos des explorateurs. La mine de Naica, dans laquelle se situe « Kla grotte des cristauxK », est localisée au nord du Mexique.
Découverte en 2000, elle abrite des cristaux de sélénite pouvant atteindre onze mètres de long. Le projet « KNaicaK » vise à analyser des informations prélevées dans ce lieu si fragile qu’il pourrait disparaître.

La vidéo d’Angelika Markul est réalisée à partir des images d’archive d’une expédition scientifique. Le titre Si les heures m’étaient comptées semble déclencher un compte à rebours, rendant ainsi palpable le sentiment d’une déperdition imminente. Le dispositif de monstration fonctionne comme une immersion, une plongée dans un univers souterrain, accentuée par la présence d’un cristal qui devient objet de fantasmes.

Prenant l’environnement pour thématique principale de ses projets, l’artiste dévoile une image cosmologique de sites uniques, tels que les chutes d’Iguazú ou l’observatoire astronomique du désert d’Atacama.

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Angelika Markul
Si les heures m’étaient comptées

2016

Angelika Markul

Si les heures m’étaient comptées

Si les heures m’étaient comptées, 2016.
Installation vidéo, noir et blanc, son, 11’47’’.
Collection MAC VAL. Acquis avec la participation du Fram Île-de-France.
© Adagp, Paris 2021.
Vue de l’exposition de la collection « Le vent se lève », MAC VAL 2020-2021.
Photo © Philippe Lebruman.

Angelika Markul
Si les heures m’étaient comptées

Anne Brégeaut

La dispute, 2006
Faïence et colle, 5 x 11 x 8,5 cm, diamètre 10 cm
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Marc Domage

2016

Anne-Charlotte Finel

La Crue

La Crue
2016.
Vidéo HD, couleur, son, 6’32’’.
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.

Anne-Charlotte Finel
La crue

Annette Messager

Danses du scalp, 2012
Cheveux, nylon, cordelette, scotch, mousse, carton, aluminium, ventilateurs
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France
© Adagp, Paris 2022
Vue de l’exposition de la collection « À mains nues », MAC VAL 2022-2023
Photo © Aurélien Mole

Annette Messager - A propos de « Danses du scalp » (2012) * on Vimeo

Annette Messager

Péché, 1990
Photographies, verre, adhésif, ficelle, 300 x 600 cm
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France
© Adagp, Paris 2022
Vue de l’exposition de la collection « À mains nues », MAC VAL 2022-2023
Photo © Aurélien Mole

2000

Annette Messager

Les restes II

2000
Peluches en acrylique, cordes, 300 x 540 cm.
Collection MAC/VAL,
musée d’art contemporain
du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation
du FRAM Île-de-France.
Photo © Jacques Faujour.

Notice

Combien de vies dans celle d’Annette Messager ! Depuis le début des années 1970, au coeur de la « scène parisienne » (composée de Christian Boltanski, Sarkis, Paul-Armand Gette… artistes plutôt mâles, hormis Gina Pane, mettant en scène leurs « mythologies individuelles »), Annette Messager s’invente autant de vies qu’elle souhaite de titres, chacune lui permettant d’être autre et d’inventer différents projets artistiques. Elle inventorie pour chacune de ces « Annettes » un répertoire de gestes et de pratiques, d’attitudes et de sujets, révélant tout à la fois l’univers féminin, son code génétique et les possibles pour s’en échapper, ses désirs enfouis.

Toujours, et peut-être encore plus intimement aujourd’hui, à mesure qu’il devient plus grave, Annette Messager resserre son univers autour d’elle, « artiste messager » dans un monde de brutes. Les hommes que j’aime, les hommes que je n’aime pas réunit deux albums d’Annette Messager collectionneuse, celle qui oeuvre dans la partie atelier de son appartement, rassemble et annote des photographies. Pour des raisons justement plus propres aux hommes (raisons esthétiques, jugements hâtifs et superficiels), elle juge et déjuge ces hommes épinglés au mur dans de petits cadres noirs (de deuil ?), papillonnant, comme fiers de ce que certains pourraient qualifier d’inconstance féminine. Collectée et archivée avec méthode, cette collection de jugements péremptoires et contraires affirme le droit de la femme artiste à juger les hommes unilatéralement.

À l’occasion de son exposition rétrospective « The Messengers » à la Hayward Gallery (Londres, 2009), Annette Messager a réuni en une seule et même installation deux collections réalisées en 1972 : Collection pour trouver ma meilleure signature et Ma collection de châteaux.
Ici, plutôt que de revendiquer le droit de juger les autres, c’est son propre droit à s’inventer qu’elle interroge, contemplant et exploitant son désir de devenir et d’apparaître, comme une donnée culturelle, sexuelle, existentielle, une donnée entre envie de se fabriquer et contraintes et attendus sociaux, étapes incontournables de toute vie de femme. La signature est en effet une apparition publique de soi, une « identité graphique ». Son nom est répété sur quatre-vingt-dix feuilles.
Annette Messager se montre ici juvénile, enfantine, mutine, dure, forte, calme et posée, nerveuse… Le contrepoint en sera Comment mes amis feraient mon portrait (1972-1973). Quatre-vingts-dix « j’existe » donc, sous toutes les formes, dans tous les états ; essais de s’inventer, pour soi, mais aussi aux yeux des autres, prise en tenaille entre le voeu d’être elle-même et ce que la société attend d’une jeune fille : rêver au prince charmant en dessinant des châteaux, penser à y vivre heureuse et avoir beaucoup d’enfants. Autant d’archétypes culturels qui dessinent sur le mur un portrait-puzzle de l’artiste, monument à une jeunesse déterminée dont les modèles se déclinent dans l’autobiographie fictive des années 1970, comme dans Voyage à Venise, oeuvre à quatre mains réalisée avec Christian Boltanski, ou Le Bonheur illustré (1975- 1976).

Si Annette Messager ne dénonce pas systématiquement les pratiques et obligations féminines, elle en fait la matière première de son travail en les utilisant pour mieux les déjouer et narguer les attendus. Elle devient truqueuse et s’invite dans le monde réservé des voyeurs, devient fée ou sorcière, c’est selon, regarde sa mère et la vieillesse, pique les objets (vive la Révolution !) et des peluches, devenues dès 1998 un élément récurrent de son vocabulaire formel. Ex-voto de l’enfance, celles-ci racontent aussi la violence de cet âge de la vie : découpés, ces êtres vidés de leur kapok comme de leur âme évoquent une humanité déchirée.

Les Restes épinglent la tradition du portrait de famille en convoquant un genre bien masculin : le trophée de chasse plutôt que le bonheur domestique. Écartelés, les membres de la famille et de chaque corps animal qui, assemblés en demi-cercle, dessinent sur le mur comme un soleil. Après avoir élevé ses « petits pensionnaires » dans les années 1970, Annette Messager retrouve ici des animaux, aujourd’hui peluches et traces de l’enfance, qu’elle malmène avec violence, provoquant ainsi un sentiment de malaise. Telle une entomologiste, elle dissèque nos habitudes culturelles, interrogeant la situation de la femme mais aussi celle, plus universelle, des êtres dans le monde contemporain.

Son oeuvre, résolument singulière, voire solitaire, se déploie aujourd’hui dans l’espace, plus scénographique et parfois scénarisée, telle l’installation Casino pour le Pavillon français, Lion d’or à la Biennale de Venise en 2005. Toujours rejouant des techniques mêmes de la « tradition » féminine, elle en pique la condition comme on crucifie ce que l’on souhaite sacrifier, et paradoxalement conserver.

A.F.

Par Claire Bartoli

2012

Annette Messager

Danses du scalp

2012
Technique mixte, matériaux divers, dimensions variables.
Production MAC/VAL.
Photo © Marc Dommage.

Cartel

L’artiste interroge aussi son propre droit à s’inventer, contemplant et exploitant son désir de devenir et d’apparaître en tant que donnée culturelle, sexuelle, existentielle, contre ou face aux contraintes et attendus sociaux, étapes incontournables de toute vie de femme.Aujourd’hui, Annette Messager nous livre une nouvelle vision de l’avenir. Libéré pour autant ? Les pièges culturels, sociaux et sexistes ont-ils disparu ?

La Danse du scalp… : des chevelures, manifestement teintes, artificielles, des postiches féminins, juste suspendus volettent au gré du souffle des ventilateurs. De toutes les couleurs, ils s’envolent, étendards des destins libérés, de celles qui n’ont « besoin de personne »…

La chevelure est par essence le symbole de la féminité, elle en est l’apanage, source de sa force, son attribut. Cachée ou mise en valeur, elle est ce bien précieux qu’on ôte à la femme pour la punir et rendre la sentence publique. Elle est message de violence dans son absence, subie ou volontaire, des femmes rasées à la Libération aux punks londoniennes ou berlinoises… Toujours, elle est affirmation de soi, telle une signature.

Son évocation n’est-elle pas immédiate dans la description d’une figure féminine ? Une femme se résume-t-elle donc à sa coiffure, à sa chevelure ? Ici encore Annette Messager pointe ces attendus, mais aussi les gestes féminins qui tentent et refusent de renoncer. En creux, elle révèle également ces regards et jugements auxquels la femme se prête ou ne peut se soustraire… et qui la constituent.

À une échelle universelle, la chevelure est aussi souvenir ou trophée : les mèches de cheveux coupées à un enfant, ou à un mort, vestiges du passé ; preuve de la victoire, le scalp est porté comme une décoration chez nombre de peuples (des Amérindiens à Inglorious Basterds de Quentin Tarantino). Richesse en soi, la chevelure est de nos jours vendue dans les pays pauvres pour alimenter l’industrie du postiche et de l’artifice. Rebelles en fin, les cheveux, comme le rappelle Annette Messager, continuent à pousser après la mort.

Du vrai au faux, du réel à l’illusion, quelques mèches colorées et joyeusement animées soufflent l’histoire des femmes, de la liberté sexuelle et du destin choisi incarnés par Brigitte Bardot à la pire des punitions, au destin meurtri de celles que des hommes s’arrogent aujourd’hui encore le droit de punir.

Frivolité, coquetterie, militantisme, espoir et désespoir flottent dans cette oeuvre qui, l’air de rien, en quelques touffes, fait le récit d’une humanité démiurge qui résiste, ruse et lance des sortilèges, telle une sorcière.

QR-game : trouvez la lettre mystère {{6}}

Sixième lettre : La poule ponds des …


QR-Game est un jeu de piste numérique proposé par l’équipe du musée pour découvrir, via des QR-codes, un choix d’œuvres du Parcours #5.
Résolvez les énigmes et découvrez les 10 lettres qui composent le nom de l’artiste mystère !
Des cadeaux, disponibles à l’accueil du musée, récompenseront les gagnants.

Jeu jusqu’au 15 septembre 2013.

Annette Messager
Danses du scalp, 2012


Ecouter ou télécharger l’audioguide de l’oeuvre Danses du scalp, du parcours #5

2010

Anri Sala

Le Clash

2010
Vidéo HD transférée sur DVD, couleur, son, 8’31’’, édition 5/6.
Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris.
Collection MAC VAL, Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.

Should I Stay or Should I Go ? C’est autour de cette chanson punk qu’Anri Sala construit l’œuvre Le Clash, du nom du groupe britannique auteur de ce morceau culte sorti en 1981. Le film se déroule aux abords d’un bâtiment à l’architecture moderniste, une salle de concert désaffectée en périphérie bordelaise où le groupe légendaire s’était produit.
D’un orgue de barbarie et d’une boîte à musique s’échappe en stéréo l’air du tube, version berceuse et ritournelle. Cette musique donne à entendre la tension (« le clash ») entre un lieu devenu fantôme où résonnent les échos d’une attitude, la révolte punk et une esthétique à visée sociale, voire utopique, le mouvement moderne. La question de l’écho est ici abordée dans ses deux dimensions : à la fois celle du temps, puisqu’on y rejoue la même musique des décennies après, et celle de l’espace, en réactivant par le son les murs de ce lieu autrefois vivant.

1984

Antonio Seguí

Los Suenos de Aniseto

1984. Huile et acrylique sur toile, 199,5 x 199,5 cm
© ADAGP, Paris 2007
© Photo Jacques Faujour

Notice

Après des études d’art en France et en Espagne au début des années 1950, Antonio Seguí entreprend en 1957 un voyage à travers l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale. Il séjourne au Mexique où il expérimente différentes techniques de gravure, puis revient à Buenos Aires en 1961. Il représente l’Argentine à la Biennale de Paris en 1963 et s’y installe alors définitivement. L’artiste peint des toiles expressionnistes et caricaturales, avec des détails autobiographiques, à travers l’agitation urbaine.

Los Sueños de Aniseto (« Les rêves d’Aniseto ») est une œuvre carrée divisée en deux : Aniseto, stéréotype de l’homme argentin en costume et borsalino, se tient de trois quarts au centre, toisant le spectateur. Son chapeau est surmonté d’une bulle, dans laquelle des hommes, parfois plus grands que les maisons, sont cernés de noir : l’artiste reprend différentes conventions de la bande dessinée pour évoquer le rêve du personnage. Ces hommes portant costumes, cravates et pour certains chapeaux déambulent à travers une ville composée de petits pavillons de banlieue. Les femmes sont peu présentes dans l’œuvre d’Antonio Seguí. Le quartier est calme, piétonnier mais, à y regarder de plus près, le burlesque de la scène est trahi par les inquiétantes variations d’échelle et le mouvement mécanique des hommes. Les difficultés des personnages à se mouvoir rappellent celles des acteurs portant les encombrants costumes d’Oskar Schlemmer dans le Ballet triadique (1922) ou ceux de Jean Dubuffet pour les représentations de Coucou Bazar (1972-1978). Deux têtes sans corps surgissent : on ne sait si c’est pour mieux épier leurs concitoyens ou si elles sont en train de disparaître. Le tableau date de 1984, juste après la chute de la dictature en Argentine, qui a permis à Antonio Seguí de retourner dans son pays natal après un exil forcé d’une dizaine d’années. Les dénonciations et les disparitions sont au cœur de l’époque. Antonio Seguí aime l’« humour tragique » de Franz Kafka et l’angoisse face à la machine politique se retrouve dans cette foule anonyme imaginée par Aniseto. Le vocabulaire de la bande dessinée, qui semble ludique au premier abord, sous-tend une réflexion plus grave. D’autres œuvres de l’artiste font parfois appel à ce stratagème pour dénoncer sans en avoir l’air. Le tableau interroge, garde des aspects énigmatiques et renvoie au titre d’une série qui interpelle le spectateur : « À vous de faire l’histoire »…

On retrouve le même vocabulaire pictural proche de la bande dessinée et le même humour caustique dans Buenos Aires. Ce paysage urbain, constitué d’immeubles et de tours multicolores aux cheminées fumantes, est surmonté d’hommes à chapeaux démesurés traversant ou survolant la ville. Le foisonnement révèle l’agitation urbaine, accompagnée du vrombissement des voitures et des avions. Le regard se perd dans cette accumulation. L’irrationalité des rapports d’échelle entre les passants et les architectures, les automobiles et les avions, l’instabilité des immeubles penchés contribuent à créer un déséquilibre joyeux. Pourtant, les marcheurs avancent tels des automates mécaniques sous l’œil d’une sculpture en buste à un carrefour ou guidés par des « surhommes » dominant la ville. Le tableau souligne les difficultés politiques et économiques de la capitale argentine. Comme le papier journal collé et recouvert par la peinture, la liberté d’expression est bâillonnée et bafouée. Tout n’est qu’apparences et faux-semblants.

L’œuvre sur papier d’Antonio Seguí accompagne son travail de peintre et de sculpteur. On y retrouve le même graphisme rappelant la bande dessinée. Ainsi des deux hommes en costume coiffés d’un chapeau qui entourent deux sculptures en buste posées sur des colonnes tronquées dans Sans titre (1969) ; les paires de chaussures au sol renforcent le caractère énigmatique du dessin.

La vive critique politique est aussi présente dans les encres de Chine et gouaches de la série des généraux : le Général accompagné est entouré de deux bustes de femmes aux poitrines dénudées, tandis que Trois généraux montre deux militaires suivant un autre dont il ne reste plus que la tête coupée. Sur ces dessins, les généraux, vus de profil, ne sont que des grotesques dictateurs observant tout par trois yeux.

La même ironie est perceptible dans les deux scènes domestiques de février 1980 ou dans le fusain Sans titre (1981), où Antonio Seguí met en scène des disputes dont les motifs nous échappent.

Le fusain et pastel Muerte montre un homme étendu tel un gisant. Il est entouré de champs colorés : sous le corps, le noir posé sur du jaune figure un cercueil, tandis que le blanc au-dessus évoque un linceul. Avec un grand dépouillement, Antonio Seguí évoque le tragique de la condition humaine.

V.D.-L.

C’est pas beau de critiquer ?

Carte blanche au critique d’art qui nous offre un texte personnel, subjectif, amusé, distancié, poétique… critique sur l’œuvre de son choix dans la collection du MAC/VAL. C’est pas beau de critiquer ? Une collection de « commentaires » en partenariat avec l’AICA/Association internationale des Critiques d’Art.

Antonio SEGUI, Los Sueños de Aniseto, 1984

Le piéton de l’air
Yo soy señor Gustave. Avec mon feutre mou et ma moustache fine, cravaté et costumé, d’une élégance toujours irréprochable, je parcours sans cesse les surfaces multicolores. Enfin, parcourir... Chez nous, en Argentine, on ne se presse pas vraiment. Moi, je garde toujours ma dignité. Le buste droit et fixe, le corps raide, je ne fais que semblant de marcher.
Remarquez, on s’y tromperait facilement. Le senior Seguí, mon compatriote, me place souvent de profil, les jambes écartées démesurément, comme si j’allais franchir d’un seul bond un carrefour ou une rue. En réalité, je n’ai pas besoin de me déplacer. Regardez bien, vous me trouvez partout.
Chut, voilà le senior Seguí qui s’amène avec sa palette et son pinceau. Il va encore semer la confusion dans mon espace urbain, mettre la pagaille avec ses zones colorées et transparentes. De plus, il introduit ces petits bonhommes, qui me ressemblent tant et qui m’épient sans scrupules. Mais, on ne me la fait pas à moi.
Suivez mon oeil, qui, tel un radar, scrute les environs. Rien ne m’échappe dans ma ville natale. Une femme qui passe et mon regard, mine de rien, la capte immédiatement. Un étranger, au corps tronqué, debout au milieu d’un square ? Je suis au courant. Un fait divers qui se déroule de l’autre côté de la cité ? J’y accoure tout de suite.
Moi, concierge paranoïaque ?

Itzhak Goldberg

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1991

Antonio Segui

Buenos Aires

Huile sur papier journal marouflé sur toile.
149,5 x 160 cm.
Collection MAC/VAL, musée d’art contemporain du val-de-Marne.
Photo © Jacques Faujour.

Notice

Après des études d’art en France et en Espagne au début des années 1950, Antonio Seguí entreprend en 1957 un voyage à travers l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale. Il séjourne au Mexique où il expérimente différentes techniques de gravure, puis revient à Buenos Aires en 1961. Il représente l’Argentine à la Biennale de Paris en 1963 et s’y installe alors définitivement. L’artiste peint des toiles expressionnistes et caricaturales, avec des détails autobiographiques, à travers l’agitation urbaine.

Los Sueños de Aniseto (« Les rêves d’Aniseto ») est une œuvre carrée divisée en deux : Aniseto, stéréotype de l’homme argentin en costume et borsalino, se tient de trois quarts au centre, toisant le spectateur. Son chapeau est surmonté d’une bulle, dans laquelle des hommes, parfois plus grands que les maisons, sont cernés de noir : l’artiste reprend différentes conventions de la bande dessinée pour évoquer le rêve du personnage. Ces hommes portant costumes, cravates et pour certains chapeaux déambulent à travers une ville composée de petits pavillons de banlieue. Les femmes sont peu présentes dans l’œuvre d’Antonio Seguí. Le quartier est calme, piétonnier mais, à y regarder de plus près, le burlesque de la scène est trahi par les inquiétantes variations d’échelle et le mouvement mécanique des hommes. Les difficultés des personnages à se mouvoir rappellent celles des acteurs portant les encombrants costumes d’Oskar Schlemmer dans le Ballet triadique (1922) ou ceux de Jean Dubuffet pour les représentations de Coucou Bazar (1972-1978). Deux têtes sans corps surgissent : on ne sait si c’est pour mieux épier leurs concitoyens ou si elles sont en train de disparaître. Le tableau date de 1984, juste après la chute de la dictature en Argentine, qui a permis à Antonio Seguí de retourner dans son pays natal après un exil forcé d’une dizaine d’années. Les dénonciations et les disparitions sont au cœur de l’époque. Antonio Seguí aime l’« humour tragique » de Franz Kafka et l’angoisse face à la machine politique se retrouve dans cette foule anonyme imaginée par Aniseto. Le vocabulaire de la bande dessinée, qui semble ludique au premier abord, sous-tend une réflexion plus grave. D’autres œuvres de l’artiste font parfois appel à ce stratagème pour dénoncer sans en avoir l’air. Le tableau interroge, garde des aspects énigmatiques et renvoie au titre d’une série qui interpelle le spectateur : « À vous de faire l’histoire »…

On retrouve le même vocabulaire pictural proche de la bande dessinée et le même humour caustique dans Buenos Aires. Ce paysage urbain, constitué d’immeubles et de tours multicolores aux cheminées fumantes, est surmonté d’hommes à chapeaux démesurés traversant ou survolant la ville. Le foisonnement révèle l’agitation urbaine, accompagnée du vrombissement des voitures et des avions. Le regard se perd dans cette accumulation. L’irrationalité des rapports d’échelle entre les passants et les architectures, les automobiles et les avions, l’instabilité des immeubles penchés contribuent à créer un déséquilibre joyeux. Pourtant, les marcheurs avancent tels des automates mécaniques sous l’œil d’une sculpture en buste à un carrefour ou guidés par des « surhommes » dominant la ville. Le tableau souligne les difficultés politiques et économiques de la capitale argentine. Comme le papier journal collé et recouvert par la peinture, la liberté d’expression est bâillonnée et bafouée. Tout n’est qu’apparences et faux-semblants.

L’œuvre sur papier d’Antonio Seguí accompagne son travail de peintre et de sculpteur. On y retrouve le même graphisme rappelant la bande dessinée. Ainsi des deux hommes en costume coiffés d’un chapeau qui entourent deux sculptures en buste posées sur des colonnes tronquées dans Sans titre (1969) ; les paires de chaussures au sol renforcent le caractère énigmatique du dessin.

La vive critique politique est aussi présente dans les encres de Chine et gouaches de la série des généraux : le Général accompagné est entouré de deux bustes de femmes aux poitrines dénudées, tandis que Trois généraux montre deux militaires suivant un autre dont il ne reste plus que la tête coupée. Sur ces dessins, les généraux, vus de profil, ne sont que des grotesques dictateurs observant tout par trois yeux.

La même ironie est perceptible dans les deux scènes domestiques de février 1980 ou dans le fusain Sans titre (1981), où Antonio Seguí met en scène des disputes dont les motifs nous échappent.

Le fusain et pastel Muerte montre un homme étendu tel un gisant. Il est entouré de champs colorés : sous le corps, le noir posé sur du jaune figure un cercueil, tandis que le blanc au-dessus évoque un linceul. Avec un grand dépouillement, Antonio Seguí évoque le tragique de la condition humaine.

V.D.-L.

C’est pas beau de critiquer ?

Carte blanche au critique d’art qui nous offre un texte personnel, subjectif, amusé, distancié, poétique… critique sur l’œuvre de son choix dans la collection du MAC/VAL. C’est pas beau de critiquer ? Une collection de « commentaires » en partenariat avec l’AICA/Association internationale des Critiques d’Art.

Antonio SEGUI, Buenos Aires, 1991

La peinture de Seguí est une peinture qui marche. Des hommes au chapeau de feutre mou et à la moustache fine, cravatés, costumés avec une élégance surannée, parcourent sans répit des surfaces multicolores. Souvent de profil, le buste droit et immobile, ils traversent une rue, un carrefour ou arpentent les allées d’un parc. Ces déambulations frénétiques, ces trajets qui sillonnent la toile et qui ne mènent nulle part construisent un réseau dense, inextricable, à la mesure de l’illisibilité de ce que l’artiste nomme « texture urbaine ».
Structurée par des plans qui se chevauchent, traversée par des zones colorées et transparentes, l’œuvre, à l’instar du collage, juxtapose des espaces incohérents, des scènes contradictoires et simultanées, donnant l’image d’une ville où toute logique d’ensemble a disparu. Au milieu de cette fragmentation chaotique, de petites figures, prises dans le tourbillon de scènes multiples, sont dispersées dans toutes les zones du tableau. En réalité, il s’agit fréquemment du même personnage, le senior Gustave, le « concierge paranoïaque  » de la cité. Ici, il éclipse un gratte-ciel, rapetissé à l’échelle humaine. Là, il surgit derrière une étrange bâtisse, sorte de cabine de plage ou de hutte de bois. Ailleurs encore, il lorgne les femmes bien en chair qui se promènent dans un square. Le regard soupçonneux, l’oeil noir, l’homme épie le monde entier. Témoin de tous les récits et faits divers accumulés dans le tableau, Gustave, pas fou, ne nous raconte rien.
A vous de faire l’histoire, est le titre d’une des oeuvres de Seguí.

Itzhak Goldberg

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1950

Ara Güler

Pêcheurs de Kumkapi retournant au port aux premières lumières du crépuscule

Tirage argentique noir et blanc, non numéroté. 34 X 50 cm.

Notice

Sarkis et Ara Güler

Né à Istanbul en 1938, Sarkis s’installe à Paris en 1964. Lauréat du prix de Peinture de la Biennale de Paris en 1967, il réalise dès 1968 des objets et des installations avec des cornières métalliques, des rouleaux de goudron, de l’eau, des résistances électriques et des sons captés en direct. En 1969, il participe à la célèbre exposition « Quand les attitudes deviennent forme », à Berne, sous le commissariat d’Harald Szeemann. Par la suite, il est de la plupart des grandes manifestations artistiques internationales. À travers un parcours aussi intense qu’original, Sarkis élabore une oeuvre fondée sur une archéologie personnelle, sorte de récit mythique et autobiographique, dont le déplacement, la mémoire, la disparition mais aussi le retour constituent le coeur.

Dans les années 1970, le projet Blackout (1974), évoquant l’obscurité, le couvre-feu, le refuge devant la menace, donnera naissance au Kriegsschatz (1976), « trésor de guerre » dont les variations constituent un réinvestissement symbolique d’objets singuliers que Sarkis désigne momentanément comme partie prenante de son trésor personnel. Tant dans la mise en oeuvre de ses installations que de ses expositions, il ne cesse d’explorer l’idée de l’interprétation. Les objets entrent en conversation, créant des liens dans le temps et l’espace. Énorme silhouette noire, un cargo avance, comme hanté par le mystère… De biais par rapport au mur, il se montre et il cache à la fois. Sur des panneaux de bois vissés semblables à des tôles d’acier, il est peint à la peinture industrielle pour bateaux et, dans la fente qu’il ménage par rapport au mur, entre une petite maquette de chalutier. Les ampoules électriques, chaudes et fragiles, suspendues, comme soufflées par un vent violent, viennent réveiller le « trésor », dont chaque lettre est inscrite à la peinture rouge sur chaque ampoule.

Le Bateau Kriegsschatz est né de quatre interprétations successives, en 1982 pour la Documenta VII de Kassel puis à la Biennale de Sydney, en 1983 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, enfin en 2005 à la galerie Jean Brolly à Paris. Il fut navire puis bateau de guerre qui emportait et symboliquement cachait la forme du Blackout, il est cargo dans sa dernière version et « garde » un trésor, comme un corps protège, enfouit dans sa mémoire. Sarkis insiste sur l’usage de cette matière peinte noire, industrielle, très épaisse et dense qui figure aussi l’idée de la protection. Jouant le rapport d’échelle avec la maquette du chalutier, le cargo rencontre également les échelles de mémoire des photographies d’Ara Güler. Pour Sarkis, il s’agit de créer un champ plastique, d’être moins dans une logique d’assemblage que d’invitation par association affective, historique, politique. Ainsi les photos d’Ara Güler se confrontent au Bateau Kriegsschatz et sont trace de la mise en scène éphémère de la structure emblématique de Sarkis à la galerie Jean Brolly. À l’invitation du galeriste, l’exposition « Ara Güler et Sarkis, Sevgili Istanbul » permettait aux deux artistes originaires d’Istanbul de rendre hommage à leur ville. Témoins d’une mémoire sociale de l’humanité, elles demeurent toutefois des oeuvres autonomes « sous la devise d’un mot qui renvoie le spectateur à ce que la pièce exposée a d’un “butin de guerre” : en tant qu’élément de ce “Kriegsschatz”, le fragment exposé devient une spolia, une dépouille du passé, à l’intérieur de l’édifice du présent ».

Photographe réputé, peu connu cependant du public français, Ara Güler fut pendant les années 1960 correspondant au Moyen-Orient pour Time-Life, Paris-Match et Der Stern. Après sa rencontre avec Henri Cartier-Bresson, il entre à l’agence Magnum Paris. « La photographie n’est rien d’autre que la réalité », déclare-t-il. Ces deux photographies en noir et blanc témoignent des activités qui font vivre le Bosphore : ses pêcheurs, ses travailleurs, les moyens de transport vétustes et ses mosquées en arrière-plan. L’usage du clair-obscur qui montre le quotidien en l’état, ainsi que le regard porté sur l’individu dans la collectivité rapprochent Ara Güler du cinéma néoréaliste italien : la poésie qui se dégage de ces scènes est tellement réaliste qu’elle en devient irréelle. Le Bateau Kriegsschatz rencontrant les Pêcheurs de Kumkapi a la couleur du souvenir, de la reproduction, du retour dans le passé : s’y retrouver, y pénétrer à nouveau mais pour en dégager une sensation qui redonne vie au souvenir, un lambeau de passé qui filtre à travers le blocus, le secret, le refoulé.

F.G.

Arman

Palettes brûlées, 1968.
Bois, résine polyester, méthacrylate de méthyle, 64,6 x 68,3 x 4,2 cm
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Jacques Faujour.

1962

Arman (Armand Fernandez, dit)

Remède de cheval ou O ! Combien de capitaines

Remède de cheval ou O ! Combien de capitaines
1962
Accumulation d’ampoules hypodermiques
Inventaire n° 1999.786
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France
© Adagp, Paris 2016/ Photo © Marc Domage

1968

Arman (Armand Pierre Fernandez, dit)

Palettes brûlées

2000
Bois, résine polyester, méthacrylate, 64,6 x 68,3 x 4,2 cm
Collection MAC/VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Photo © Jacques Faujour. © Adagp, Paris 2014.

Au centre, François Despatin, Christian...

Vue d’exposition (L’œil attendri)

Au centre, François Despatin, Christian Gobeli, La cartonnerie, 1983
tirages en noir en blanc sur papier
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
Photo © Aurélien Mole

Au fond, Claude Viallat, Peinture, 1990...

Vue d’exposition (L’œil libéré)

Au fond, Claude Viallat, Peinture, 1990
acrylique sur bâche
À gauche, Bernard Pagès, Série de six assemblages jumelés, 1975
bois, fil de fer
Au premier plan, Christian Jaccard, Polyptyque, combustion sur modules, 1991
acrylique, brûlure sur toile
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

Au premier plan, Claude Bellegarde, Cabine...

Vue d’exposition (L’œil incompris)

Au premier plan, Claude Bellegarde, Cabine chromatique, 1965
bois, aluminium, papier miroir coloré
Collection Philippe et Patricia Jousse
En haut, Claude Bellegarde, série « Zodiaque », 1967
nitrocellulosique sur toile
Succession Claude Bellegarde
© Adagp, Paris 2023
Photo © Aurélien Mole

2001

Barthélémy Toguo

The New World’s Climax III

The New World’s Climax III,
2001.
Bois sculpté et gravé, encre, table en bois, 146,5 x 274 x 100 cm.
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
© Adagp, Paris 2019.
Photo © Jacques Faujour.

Ben

Ben, Marianne en deuil pour non respect des droits des peuples, 1989.
Plâtre, tissu, os, bois, 69 x 37 x 20 cm.
Collection Musée d’art moderne, Céret.
© Adagp, Paris 2018.
Photo © Philippe Lebruman.

2013

Benoît Maire

Deux outils (J)

Deux outils (J)
2013
Sérigraphie à l’huile sur toile
270 × 335 cm
Inv. 2014.2136
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France
© Adagp, Paris 2016/ Photo © Marc Domage

2015

Benoît Maire

Peinture de nuages

Peinture de nuages
2015.
Huile sur toile, 65 x 50 cm.
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
© Adagp, Paris 2017.
Photo © Marc Domage.


Comment rendre compte de l’insaisissable et capter une forme lointaine, fugace et mouvanteK ? C’est par la matérialité de la toile, de la peinture à l’huile travaillée au pinceau et à la spatule, que Benoît Maire s’attèle à cette question. Après avoir étudié l’art et la philosophie, Benoît Maire concentre ses recherches plastiques sur des concepts théoriques.

Ponctuant son oeuvre, le nuage est un motif permettant de lier l’esprit et la forme, l’intellect et la matière. Dans cette série initiée en 2011, il expérimente les moyens de la peinture dans leur diversité (frottage, coulures, épaisseurs) pour décliner une typologie de formes incertaines. Chaque tableau est un nouvel agencement de formes et de gestes, qui rejoue les notions de maîtrise, d’inspiration, de savoirfaire et de style en peinture.

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Benoît Maire
Peintures de nuages

1988

Bernard Moninot

Tours de cuivre

Poussière de cuivre rouge fixée sur verres préparés,
220 x 35 cm (deux éléments) et 200 x 25 cm (deux éléments).

Notice

Dès le début des années 1980, Bernard Moninot commence à travailler sur des verres préparés. Il ne dessine pas directement sur le verre, mais s’inspire « de la technique du tracé au cordeau enduit de pigments bleus qu’utilisent les maçons pour leurs mises à niveau ». Il dessine ainsi sur un carton enduit où il fixe une matière poussiéreuse (acier, cuivre ou graphite). Ce carton est ensuite placé contre le verre et un coup de marteau permet de fixer instantanément l’ensemble du dessin. Ce travail sur le verre et sa transparence fait référence au Grand Verre de Marcel Duchamp (1915-1923) qui veut « faire un tableau par ombres portées » et à son élevage de poussière réalisé avec Man Ray (1920).

Les Tours de cuivre sont constituées de quatre plaques de verre posées au sol un peu en avant du mur et appuyées contre celui-ci. Un dessin en poudre de cuivre est lisible en transparence. Les formes géométriques des tours s’inscrivent dans la monumentalité verticale des plaques de verre. La couleur rouge-orangé du cuivre évoque la technique du dessin à la sanguine. La technique du dessin appliqué en un instant sur le verre entraîne une propagation des grains de cuivre hors du trait « décoché » et provoque des nuages de poussière à certains endroits. La fragilité et l’aspect aérien de la poussière de cuivre sur le verre contrastent avec le motif évoquant quatre grandes tours de notre environnement urbain. Ces constructions font penser à des immeubles, mais aussi à des pilônes électriques, éléments industriels de nos paysages modernes. L’artiste dessine des architectures dans l’espace mais les tours « n’ont pas de fondation, elles ne sont qu’une verticalité qui mène vers un espace hypothétique ».

V. D.-L.

1964

Bernard Rancillac

Le retour de Mickey

1964.
Huile sur toile.
Collection MAC/VAL - musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Photo © Jacques Faujour.
© Adagp, Paris 2014.

Bernard Rancillac place la société contemporaine et ses images (publicité, bande dessinée, image d’actualité…) au cœur de ses œuvres. La figure de Mickey, icône de la société de consommation, est ici amaigrie et altérée par son traitement graphique saturé de coulures et de couleurs expressionnistes, bien loin de son image habituellement lisse.
Au milieu des années soixante, le traitement que réserve Bernard Rancillac à cette idole américaine se révèle être une véritable critique de l’impérialisme américain à l’époque de la guerre du Viêt Nam. Le Retour de Mickey fut exposé pour la première fois en 1964 au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris lors de l’exposition « Mythologies Quotidiennes » dont le titre est tiré de l’analyse des signes et de leur circulation dans la société faite par Roland Barthes (1915-1980) dans son recueil Mythologies (1957).

Bernard Rancillac

Le retour de Mickey, 1964
Huile sur toile, 300 x 250,7 x 4 cm
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Claude Gaspari

2005

Bertrand Lamarche

Le Terrain ombelliférique

Vidéo, noir et blanc, son, édition de 5, 32 minutes. Acquis avec la participation du Fram Île-de-France. © Bertrand Lamarche.

Notice

Les œuvres de Bertrand Lamarche sont souvent des projets, des propositions qui pourraient être faites aux urbanistes à titre expérimental. Partant d’un lieu et de son usage, il imagine des recyclages, de nouvelles utilisations possibles, qui influent sur le paysage et les habitants. Ses modes d’emploi sont simples et utopiques, ancrés dans une vision poétique de la ville, où l’homme est évoqué en creux, par son absence.

En 1994, Bertrand Lamarche conçoit de planter sur un grand terrain vague un jardin de berces du Caucase. Variété rare de la famille des ombelles, la berce du Caucase a pour particularité sa taille, puisqu’elle peut atteindre trois mètres de haut. À part son échelle remarquable, la plante a les mêmes caractéristiques que toutes les autres ombellifères : elle possède des fleurs blanches se terminant en ombelles et dont le contact peut provoquer de fortes brûlures. Les variétés les plus familières en sont le persil et la carotte, la plus évocatrice la ciguë… D’où les précautions prévues par l’artiste telles que filet recouvrant les plantes, combinaisons pour les promeneurs.

Le passage au mode virtuel permet à Bertrand Lamarche une vision renouvelée de sa proposition. Cette promenade est un long travelling de trente-deux minutes au milieu des berces. La bande sonore accompagnant la déambulation semble générée par le mouvement faussement aléatoire de l’image. Un graphisme très poussé met en valeur la structure complexe de la plante par des jeux de transparences. Pourtant, souhaitant échapper à trop de réalisme, Lamarche choisit le noir et blanc et n’impulse aucun mouvement au feuillage.

On se prend à imaginer les dédales de cette étrange forêt, projetée à échelle humaine, constituée d’une seule espèce. Îlot dans la ville, elle pose la question du jardin d’agrément, du parc public et de l’usage qu’on peut en faire. Herbe des chemins, mauvaise herbe par excellence, la berce du Caucase porte en elle le danger, voire l’hostilité. Une expérience inédite s’offre au spectateur, qui est aussi l’usager « potentiel » de ce lieu.

Bertrand Lamarche a découvert la berce du Caucase il y a plus de dix ans dans un jardin botanique. Elle est devenue au fil du temps un repère, une forme de prédilection. La plante est mise en abîme, représentée, schématisée, comme elle l’avait aussi été par Emile Gallé à l’époque de l’Art nouveau et de l’Ecole de Nancy. Le projet de terrain ombelliférique jamais concrétisé laisse aujourd’hui place à une promenade imaginaire, poétique et épurée. Déréalisée par la radiographie, la plante n’en est que plus inquiétante et onirique.

G.B.

2019

Bianca Argimon

Melancholia XXI

Melancholia XXI, 2019.
Huile sur toile, 125 × 95 cm.
Collection MAC VAL. Acquis avec la participation du Fram Île-de-France.
Photo © DR.

Bianca Argimón
Melancholia xxi

Bianca Argimón

Materazzi, 2016-2017
Hêtre, métal, résine, céramique émaillée, 85 × 124 × 72 cm
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
Vue de l’exposition de la collection « À mains nues », MAC VAL 2022-2023
Photo © Aurélien Mole

Bouchra Khalili

Bouchra Khalili, The Constellations n°2, 2011.
Sérigraphie sur papier contrecollée sur aluminium, 65 x 45 cm.
Collection Musée national de l’histoire de l’immigration, Palais de la Porte Dorée, Paris.
Photo © Lorenzo. © Adagp, Paris 2018.

2012

Bruno Boudjelal

Les Paysages du départ (série)

Les Paysages du départ (série)
2012
tirage sur papier Hahnemühle contrecollé sur aluminium
60 x 90 cm
Musée national de l’histoire de l’immigration

2000

Bruno Perramant

When Martin meets Henri

2000
Huile sur toile, 73 x 92 cm et 90 x 130 cm.
Collection MAC/VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
Photo © Jacques Faujour.

2004

Bruno Perramant

Love Story n°2

Huile sur toile, quadriptyque, 73 x 92 cm (chacun).
Acquis avec la participation du Fram Île-de-France.
Courtesy in Situ – Fabienne Leclerc, Paris.
© photo Jacques Faujour.

Notice

Un couple flirte dans la verdure. Quatre toiles forment ce polyptyque intitulé Love Story n° 2, comme les croquis d’un story-board ou quatre prises de vue faites à la volée.

On s’interroge sur le récit qui accompagne cette œuvre. Une petite histoire semble se dérouler sous nos yeux : ce couple est peut-être dans un jardin, dans la nature ? Face à l’homme agenouillé, la femme assise passe la main entre ses jambes ; l’homme s’étend ensuite sur sa compagne, allongée sur le dos, les jambes légèrement ouvertes ; puis les attitudes s’inversent et l’homme tient la femme contre lui, dans ses bras ; enfin on discerne le visage de l’homme, pensif et lointain, tandis que sa compagne reste allongée à ses côtés.

La rapidité d’exécution de l’œuvre est manifeste, lisible sur la couche picturale peu épaisse, raclée et parfois lacunaire. La verdure qui environne le couple est tracée à grands coups de pinceau et la peinture, très liquide, a même coulé sur lui.
Resserrée sur l’homme et la femme, la composition est cadrée à la manière d’une scène filmée. Le spectateur semble devenir le voyeur qui s’invite à contempler l’intimité d’autrui.

Les scènes se mêlent, fluides comme des présences intemporelles. « Une œuvre est le lieu d’existence du présent et le présent d’une œuvre est comme un accord plaqué. Un accord musical est composé de plusieurs notes dans une durée égale. C’est peut-être une image à appliquer aux polyptyques. Des présents compatibles. Le présent perceptible comme un point, non pas un point qui se déplace sur l’échelle d’une durée mais un point où se croisent différentes strates, différentes couches temporelles » (Bruno Perramant).

Une même source d’inspiration est à l’origine de Sun n° 4 (2004, galerie in situ Fabienne Leclerc), où l’homme et la femme, dans une composition proche de la troisième toile de ce polyptyque, paraissent tendrement profiter de l’instant. Un motif de soleil stylisé ainsi que l’inscription « sun », au centre, irradient et rajoutent encore à la sérénité de la scène amoureuse. Ici encore on perçoit le plaisir de l’artiste, tant dans l’acte de peindre que dans le choix de ses sujets, le flirt, l’amour, le moment sensuel partagé dans la verdure accueillante, jusqu’à entendre l’écho contemporain du Déjeuner sur l’herbe (1863, musée d’Orsay) d’Édouard Manet.

I.L.

Bruno Serralongue

Bruno Serralongue, Abri #7, série « Calais », (2006 - 2007).
Tirage ilfochrome contrecollé sur aluminium, cadre en Plexiglas, 125 x 158 cm.
Collection Musée national de l’histoire de l’immigration, Palais de la Porte Dorée, Paris.

Ingrid Jurzak, à propos des oeuvres de Bruno Serralongue

2006

Bruno Serralongue

Algeco, quai de la Moselle, Calais, juillet 2006

Algeco, quai de la Moselle, Calais, juillet 2006
2006.
Série « Calais ». Tirage jet d’encre sur papier contrecollé sur aluminium, capot Altuglas, 125 x 158 cm, encadrée 126 x 129 cm.
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.

2003

Carole Benzaken

By Night III

Acrylique sur toile,
215 x 310 cm.

Notice

Carole Benzaken est peintre aujourd’hui. Son art s’articule autour de l’image et de sa transposition. L’artiste aime les images et les collecte, comme substrat de son œuvre. Peu importe le sujet, ou presque, car c’est la question du passage que l’artiste explore. Elle choisit des motifs qu’elle considère cheap : les tulipes au début des années 1990, les photographies de sport ensuite, puis, en 1997, les funérailles de lady Diana. Elle s’inspire d’une image sélectionnée, souvent de très petite taille, puis la peint, l’heure venue, sur une toile de grand format.
Pour By Night, l’artiste a filmé à travers l’écran du pare-brise de sa voiture alors qu’elle conduisait, à Los Angeles, le crépuscule, la lumière changeante et ce qui lui faisait face sur la route : l’arrière d’une voiture, ses feux de nuit, l’ombre de bâtiments bas et d’un palmier, la signalétique urbaine, la lumière artificielle. La nuit tombe et l’environnement s’éclaire d’une vie persistante : le sombre des noirs mats tranche avec la lumière, très blanche et satinée à sa source, colorée et flamboyante sur les pourtours.
D’Andy Warhol à Gerhard Richter, l’image photographique est un motif de la peinture contemporaine. Ici, ce n’est pas ni une représentation ni une copie d’image, mais l’illustration d’un passage, d’un « transport amoureux ». D’une technique numérique à la peinture, sensuelle et tactile, d’un petit format à une grande toile travaillée énergiquement au sol, plus tard, à Paris.
Les motifs sont les supports de ce mouvement répétitif, comme des thèmes de jazz aux interprétations multiples. La peinture devient l’espace du mouvement inachevé, de la lutte contre la fin. De Los Angeles, ville fluide et insaisissable, l’artiste a retenu « rien que du mouvement et du vide ».

I. L.

2006

Cécile Bart

Farandole pour Vitry, interprétation n°1

Cinq éléments, Tergal, châssis aluminium, cadre peint, 210x290 cm (chacun).
Acquis avec la participation du Fram Ile-de-France.
© photo Jacques Faujour

Notice

Cécile Bart est peintre, de la couleur, de l’espace, de l’air, des lieux dans lesquels elle inscrit ses peintures. La mise en situation des œuvres dans l’espace induit une relation de réciprocité, de résonance : ses œuvres marquent autant le lieu qu’elles s’en imprègnent et le reflètent. Cette relation de complicité à l’espace existe depuis le tout début de ses recherches. Alors qu’elle est encore étudiante à l’École des beaux-arts de Dijon au milieu des années 1980, Cécile Bart définit les matériaux qui vont composer son œuvre. Ses premiers travaux sont des projections de lumière sur des écrans de voile transparents : déjà la peinture est écran, reçoit et diffuse la lumière.

Dès 1986, son vocabulaire formel est en place : l’écran, la peinture, la lumière, la couleur, la référence à la fenêtre et la place du visiteur. Mais aussi sa façon de créer ses œuvres : rien ne préexiste, chaque œuvre sera inventée avec un lieu, pour ce lieu. Les peintures/écrans sont abstraites, c’est-à-dire sans figure inscrite, et monochromes : un voile Tergal plein jour, transparent, peint, teinté de couleur. Le procédé de fabrication est toujours le même, systématique mais sensible, car « fait main » : le voile est teinté au pinceau, la couleur pénètre la matière, chaque fois différemment en fonction du nombre de couches, de leur superposition. La matière devient couleur. Le voile est ensuite tendu sur un châssis aluminium. En 1989, Cécile Bart invente les peintures/collages, cette même matière marouflée sur les murs.

Pour le MAC/VAL, Cécile Bart a proposé un ensemble de peintures qui invente un nouveau rapport au lieu, jouant avec la lumière, révélant la fenêtre en la recouvrant. D’autres sont des cadres vides, des espaces à remplir, une peinture en devenir. Enfin, un « de guingois » est posé sur un angle, telle une figure qui attend, épaule contre le mur. C’est une peinture qui demande à être envisagée, investie.

L’écran est ici surface peinte, matière de peinture vibrante sous certains angles de vision ; il est aussi cadre sur le paysage, lieu d’inscription de ce qu’il recouvre : il laisse transparaître, il fait voir autrement. La peinture/écran est en réaction au monde, inscrivant le visiteur (celui des salles, celui du jardin) dans l’espace de l’œuvre. Le spectateur a un rôle essentiel : c’est par son déplacement qu’il fait se transformer la peinture ; de surface opaque, de peau, elle devient filtre de couleur, machine à modifier le paysage. Enfin, lui devient figure dans la peinture par sa présence en transparence, ou dans le cadre.

Dans une référence substantielle à Maurice Merleau-Ponty, Cécile Bart met en place la rétroversion du regard : « Je regarde le monde mais en même temps le monde me regarde. » La peinture est à double sens, elle crée une fenêtre sur le monde et le monde s’y inscrit de même. Comme la lumière, dans sa peinture, « le réel est pris au piège ».

A.F.

Cecile Paris

Bel été

2004
Vidéo transférée sur DVD, couleur, son
Durée : 10’14’’
Inventaire n°2008-1117
Photo © J.Faujour

QR-game : trouvez la lettre mystère {{7}}

Septième lettre : Que manque-t-il au Petit happeron rouge, à la Fée lochette et au Capitaine rochet ?


QR-Game est un jeu de piste numérique proposé par l’équipe du musée pour découvrir, via des QR-codes, un choix d’œuvres du Parcours #5.
Résolvez les énigmes et découvrez les 10 lettres qui composent le nom de l’artiste mystère !
Des cadeaux, disponibles à l’accueil du musée, récompenseront les gagnants.

Jeu jusqu’au 15 septembre 2013.

Cecile Paris
Bel été

Écouter ou télécharger l’audioguide de l’œuvre du parcours #5

2004

Cécile Paris

Luck or Love

Vidéo, couleur, muet, durée 3’35",
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
© Cécile Paris.

1969

César

Expansion

1969.
Mousse de polyuréthane expansé, laque métallisée, 190 x 87 x 17 cm.
Collection MAC/VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
Photo © Jacques Faujour. © Adagp, Paris 2014.

Dès les années 1960, César déplace les enjeux de la sculpture : le protocole de fabrication devient le sujet central de l’oeuvre. Il utilise des techniques et des matériaux industriels plutôt que traditionnels. Après avoir travaillé le métal dans ses Compressions de carcasses de voitures, César met au point à partir de 1965 un processus de création inverse, à l’origine de ses Expansions. Il verse et laisse gonfler sur le sol de la mousse de polyuréthane, tirant parti des propriétés de cette matière pour générer une forme restituant le mouvement qui l’a créée. Les premières expansions sont produites en public. Celle-ci est réalisée en atelier. Poncée, polie, puis couverte d’une peinture orange métallisée, la résine prend un aspect lisse et sensuel.

1995

César

Compression

Bicyclettes, 170 × 83 × 62 cm

Notice

Sculpteur du fer et du métal, César présente ses premières Compressions au Salon de Mai en 1960. Il introduit l’aléatoire en n’intervenant pas directement sur le métal, mais en dirigeant une presse qui réduit en blocs des voitures, symboles du progrès technologique et des produits de consommation de la société industrielle. La nouvelle composition est organisée avec un enchevêtrement de morceaux métalliques polychromes et devient ainsi une sculpture très organique. Dans cette activité de recyclage de l’objet se retrouve la dimension critique des Nouveaux Réalistes, regroupés autour du critique d’art Pierre Restany. Chaque artiste du groupe met en place une démarche particulière : les Compressions sont associées à César comme les Accumulations à Arman, les Tableaux-Pièges à Spoerri, les Empaquetages à Christo ou les Affiches lacérées à Hains et Villeglé. Ces œuvres modifient le regard porté sur les objets industriels et interrogent la société de consommation.

Cette Compression est composée de bicyclettes pliées, tordues et imbriquées les unes dans les autres. L’enchevêtrement des cadres, roues, guidons, pédales et chaînes fait penser à des sortes d’entrailles métalliques où l’appréhension d’une partie demanderait une dissection de l’ensemble rendue impossible par l’action de la presse : par leurs caractères rigides, les différentes parties de métal semblent soudées les unes aux autres. Cette composition entremêle diverses couleurs et textures : les cadres de bicyclettes ont des teintes vives alors que les autres éléments varient du noir au blanc, la mollesse du caoutchouc des pneus s’oppose à l’inflexibilité des parties métalliques, la finesse des rayons des roues contraste avec la largeur des essieux et des pneus. A la recherche de l’expressivité du métal contracté par la presse hydraulique, César utilise des objets de rebut et propose une œuvre évolutive, puisque l’oxydation, l’usure des caoutchoucs, bref, le temps, en font partie intégrante.

V. D.-L.

1969

César

Expansion

Polyuréthane expansé laqué orange métallisé, 190 × 87 × 13 cm

Notice

Dès 1954, César sculpte le fer et soude le métal dans une usine à Villetaneuse. En 1960, il présente ses premières Compressions au Salon de Mai. Il n’intervient pas directement sur le métal, mais dirige une presse réduisant en blocs des voitures et introduit ainsi l’aléatoire. Ce recyclage s’inscrit dans la dimension critique des Nouveaux Réalistes, à partir d’un travail sur l’objet.

En 1965, César découvre les propriétés du polyuréthane, une résine synthétique dont le processus est inverse de celui des Compressions. Le matériau s’étale et gonfle, la forme est orientée par le geste de l’artiste. Ici, le matériau est moderne, contrairement au fer et aux voitures trouvées dans les casses. Devant l’aspect spectaculaire et fascinant de la réalisation, César crée des Expansions en public au cours de happenings minutieusement orchestrés : il répand le matériau sur le sol, orientant son grossissement et brise parfois l’œuvre en morceaux distribués au public. Pour conserver ces œuvres très fragiles, une couche de laine de verre est ajoutée et l’ensemble est poncé afin d’obtenir un aspect lisse et sensuel, rompant avec les formes organiques des Compressions.

L’Expansion en polyuréthane expansé laqué orange métallisé de 1969, réalisée en atelier, est de même couleur que la première œuvre de cette série, une énorme coulée de cinq mètres de long qui a marqué le Salon de Mai de 1967. La couleur éclate, intense et violente, telle une coulée de lave ou du métal en fusion. On peut aussi y voir une grande langue colorée, présence monumentale et insolente. La coagulation de la matière a laissé des vagues sur la partie plus étroite, traces imprimées du mouvement de l’artiste et de la lenteur de la chute du polyuréthane.
L’aspect métallisé et les paillettes, la couleur orange séduisent par leur gaieté et sont emblématiques des « années Pop ».

V. D.-L.

César

Compression, 1995
Bicyclettes compressées, 174 x 88 x 70 cm
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© SBJ / Adagp, Paris 2023
Photo © André Morin

2010

Charles Fréger

Smrt – République tchèque

Charles Fréger, Smrt – République tchèque, 2010.
Impression jet d’encre sur papier, 145 x 110 cm.
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
© SAIF. Photo © André Morin.

1991

Charles-Henri Monvert

Le blanc, le gris, le noir et le blanc

1990 -1991
Huile sur toile
207 x 198 cm
Inventaire n°2013.2118
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France

Charlotte Charbonnel

Paleomancie

Charlotte Charbonnel, Paleomancie, 2018.
Inox, 294 × 45 cm. Collection MAC VAL. Acquis avec la participation du Fram Île-de-France. © Adagp, Paris 2020.
Vue de l’exposition « Le vent se lève », MAC VAL 2020. Photo © Philippe Lebruman.


Charlotte Charbonnel
Paleomancie

2018

Charlotte Charbonnel

Acouskarstic

Charlotte Charbonnel, Acouskarstic, 2018.
Verre soufflé, calcite, laiton, haut-parleurs, câbles, dimensions variables.
Collection MAC VAL. Acquis avec la participation du Fram Île-de-France.
© Adagp, Paris 2020.
Vue de l’exposition de la collection « Le vent se lève », MAC VAL 2020. Photo © Philippe Lebruman.

Charlotte Charbonnel
Présentation de sa pratique et de l’œuvre Acouskarstic

2015

Charlotte Moth

Living Images

Living Images
2015.
Bronze, bois, plastique, papier, dimensions variables.
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
© Adagp, Paris 2017.
Photo © Marc Domage.


Choregraphy of the Image : Inserts est une série de dix structures en chêne, dont le fond est toujours différent : en bois naturel, peint, recouvert de tissu, ou comme ici un miroir teinté. Charlotte Moth y dispose des photographies tirées de ses archives personnelles dont l’assemblage suit et propose un cheminement mental. On trouve un lien direct entre les images présentées et Living Images, ensemble de bronzes réalisés à partir du moulage de ses propres mains qui surgissent de l’épaisseur du mur pour supporter des objets trouvés.
À ce répertoire de gestes permettant d’appréhender le monde, d’agir sur les choses et d’échanger avec l’autre, s’ajoute une réflexion sur le support : la main et l’« KinsertK » comme socles, comme présentoirs.
Dans les deux cas, le support et l’élément présenté forment un ensemble sculptural.

2012

Chourouk Hriech

Sand and Process

Sand and Process
2012
Encre de Chine sur papier
120 x 210 cm
Inventaire n° 2015.2195
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France
© Chourouk Hriech /Photo © Marc Domage

1991

Christian Jaccard

Polyptyque, combustion sur huit modules

Mèche lente sur acrylique sur toile sur huit châssis, 190 x 380 cm.

Notice

Passionné par les fossiles dès l’enfance, Christian Jaccard s’initie aux différentes techniques de gravure à l’école des Beaux-Arts de Bourges dès 1955. Cette fascination pour l’empreinte se retrouve dans son travail depuis les années 1970. Il interroge les pratiques picturales et sculpturales traditionnelles à partir de pigments et de feu sur toile libre ainsi que de nœuds. Ces deux directions se rejoignent car les cordes qui servent à faire les noeuds se retrouvent dans le processus de création des empreintes de ses tableaux en servant de mèches.

Dans les années 1970, Jaccard est proche des artistes de Supports/Surfaces qui questionnent la peinture, sa matérialité et sa présentation dans l’espace en rupture avec le tableau de chevalet. Le feu est outil de création, dans la lignée d’Yves Klein ou d’Alberto Burri, mais sa présence est ici plus matiériste, en tant que trace ou empreinte, voire motif même.

Dans Polyptyque, combustion sur huit modules, Christian Jaccard donne à voir une manifestation maîtrisée de la combustion à mèche lente sur huit toiles peintes en aplats d’acrylique rouge. Sur chacune, un arc de cercle, formé par la corde calcinée, est cerné par les traces noires de la propagation de l’ignition sur le support. Cependant, le motif n’est pas récurrent. Les différentes formes d’empreintes de combustion font de cette composition une série presque narrative, non pas comme un polyptyque médiéval figurant une succession de scènes bibliques, mais plutôt comme une réinterprétation de cette forme ancienne avec différentes traces de l’embrasement du feu sur la toile. La couleur rouge rappelle la série des « Rouge émis », réalisée en 1984 en hommage à l’éruption volcanique du Vésuve. Le feu et la peinture, se diluant, constituent le sujet du polyptique qui présente les variations subtiles issues de leur rencontre sur la toile.

V. D.-L.

Christian Jaccard

Polyptyque, combustion sur 8 modules, 1991
Acrylique et brûlure sur toile montée sur châssis, 95 x 95 x 2,5 cm
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023

2008

Claire Fontaine

Please come back (K. Font)

2008
Tubes fluorescents de couleur blanche, échafaudage métallique, détecteur de mouvement, 300 x 200 x 1 400 cm.
Collection MAC/VAL,
musée d’art contemporain
du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation
du FRAM Île-de-France.
Photo © Jacques Faujour.

Notice

Claire Fontaine est tout à la fois le nom d’une célèbre marque de cahiers d’écolier et un hommage à Fontaine (1917) de Marcel Duchamp. C’est aussi un « artiste readymade », tel que le collectif composé de Fulvia Carnevale et de James Thornhill se définit, qui joue avec les questions de style et de signature. Claire Fontaine « pousse au milieu des ruines de la fonction auteur, en expérimentant avec des protocoles de production collectifs, des détournements, et la mise en place de divers dispositifs pour le partage de la propriété intellectuelle et de la propriété privée ».

Face à la disparition des singularités, à l’utopie commerciale, Claire Fontaine se met dans une posture d’étrangeté, en retrait de la question du style, pour se fondre dans les formes et modes de production industriels que les artistes américains conceptuels ou les tenants de l’art minimal des années 1960-1970 avaient déjà utilisés.

L’installation Please come back (K. font) est une sculpture industrielle. Elle se présente comme une enseigne lumineuse monumentale usant de la police de caractère K (créée par l’artiste) et maintenue par un échafaudage, un système d’assemblage économique fréquemment utilisé pour la signalétique. L’oeuvre joue de manière ambivalente avec le visiteur, l’invitant à se rapprocher pour déclencher le mécanisme d’allumage mais aussi à s’en écarter afin de se protéger du rayonnement agressif des néons.

Please come back sonne comme un mot d’ordre. Mais qui parle ? qui nous parle ? « L’enseigne réagit au mouvement des corps dans l’espace et son sens peut être interprété de différentes manières, de la parodie du message adressé au consommateur qui quitte un magasin au sentiment mélancolique de perte irréparable d’un moment de grâce ou de l’être aimé. » En 2008, dans une installation lumineuse du même ordre, l’artiste déclare Please God make tomorrow better, à mi-chemin entre la supplication et la requête autoritaire. Mais « il y a des mots de passe sous les mots d’ordre ».

Sous ce pseudonyme aux accents d’école buissonnière, Claire Fontaine questionne depuis 2004 les liens entre culture et consommation, l’universalisation du langage à des fins idéologiques. La taille de l’installation rend le message diffusé (« s’il te plaît, reviens ») écrasant, voire effrayant, à l’inverse de l’invitation qu’il contient. Claire Fontaine surexpose ainsi un paradoxe bien connu des publicitaires pour sa force de manipulation : la formule entre invitation sentimentale et injonction.

S.A.

Écouter ou télécharger l’intégralité de l’audioguide du parcours#4

2015

CLAIRE FONTAINE

Untitled (Rotary Spike : noir profond / blanc / rouge Paris / bleu de Kossou)

Anne-laure Flaceliere à propos de Rotaryspike de Claire Fontaine

Untitled (Rotary Spike : noir profond / blanc / rouge Paris / bleu de Kossou).
2015, détail. Pics rotatifs, acier galvanisé peint, 25 × 552,5 × 25 cm.
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
Photo © Aurélien Mole.

2004

Claude Closky

Mon père

Collages sur papier, stylo-bille noir, 40 x 30 cm et 30 x 40 cm chacun.

Notice

Depuis la fondation du collectif « les frères Ripoulin » en 1984, Claude Closky sillonne le monde de l’art, expose en France et à l’étranger. Si son œuvre adopte plusieurs formes, de la peinture au site internet en passant par le dessin, le collage, la photographie, la vidéo ou le diaporama, son champ d’interrogations est constant et tourne autour d’une mise en question perpétuelle de la nature même des images qui nous entourent. Qu’est-ce qu’une image ? Comment se construit-elle et comment nous construit-elle ?

On peut parler à son propos de la mise en œuvre d’une théorie subjective de l’information et des médias qui obéit à deux mouvements apparemment contradictoires : l’ellipse et l’accumulation. Cette navigation, fortement subjective et néanmoins universelle, entre les objets, les signes et les images qui codifient notre univers prend au piège les techniques publicitaires par infiltration. Les clichés ainsi véhiculés sont détournés et retournés pour une réflexion sur la construction de l’identité, tant individuelle que collective. Mon père est un ensemble de trente images, une série de collages qui prolonge le livre éponyme de 2002.

Des images issues de publicités de magazines sont retravaillées et souvent légendées pour retracer avec humour et tendresse une sorte d’autobiographie de la figure paternelle, un passé recomposé. La main trace d’une écriture manifestement émue les mots inventés d’une histoire fictionnelle.
Mais au-delà de la tendresse de cette vie rêvée, perce de façon grinçante l’impossibilité à lire et envisager sa vie en dehors des références véhiculées par les mass media.
Claude Closky s’en prend à l’illusion de la publicité qui conditionne et recompose le réel en imposant de nouvelles valeurs partagées, et questionne notre propre marge d’invention et de liberté.

A. F., F. L.

2005

Claude Closky

Soucoupe volante

Photographie couleur, 20*30 cm.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France

Notice

Depuis la fondation du collectif « les Frères Ripoulin » en 1984 pendant ses études à l’École nationale des arts décoratifs avec Pierre Huyghe, entre autres artistes, Claude Closky manifeste un activisme artistique, urbain dans les premiers temps, puis en prise avec toutes les formes de production et de communication actuelles. Cette suractivité qui se déploie sur tous les supports, à travers tant de formes pourrait masquer une crainte du désœuvrement et de la perte d’inspiration. Alors Claude Closky s’en prend à tout, inventorie et réagit à tous ces signes qui nous entourent. Dès 1985, son œuvre adopte plusieurs formes, de la peinture au site Internet, en passant par le dessin, le collage, la photo, la vidéo, le diaporama, le livre. Son champ d’interrogations est permanent et tourne autour d’une mise en question perpétuelle de la nature même des images qui nous abreuvent. Qu’est-ce qu’une image ? Comment se construit-elle et comment nous construit-elle ?

On peut parler à son propos de la mise en œuvre d’une théorie subjective de l’information et des médias, qui obéit à deux mouvements apparemment contradictoires : l’ellipse et l’accumulation. Cette navigation, fortement subjective et néanmoins universelle, entre les objets, les signes et les images qui encombrent et codifient notre univers, prend au piège les techniques publicitaires et d’information par infiltration. Les clichés que véhiculent les moyens de communication de masse sont détournés et retournés pour une réflexion sur la construction de l’identité, tant individuelle que collective.

Deux photographies montrent des soucoupes volantes dans le ciel. Objets intrigants, elles mettent en question l’existence d’un fait avéré par la photographie, outil de preuve du réel. Claude Closky utilise la stratégie même de ce qu’il questionne par une mise à l’épreuve et une mise en abyme subtile et implacable de cette pratique. Avec ces images, il démonte ce leurre que la photographie révèle. Il interroge la valeur de l’information, des médias, la sophistication d’une stratégie autoritaire d’autant plus dangereuse qu’elle avance masquée. Ces photographies de 1996 sont en étrange résonance avec cette nouvelle pratique de l’image, témoin involontaire des grands événements de notre temps. Aujourd’hui, tout un chacun devient reporter en enregistrant sur son appareil photo, sur son téléphone portable les images chocs des attentats, des catastrophes dont il est l’acteur ou le témoin de hasard.

Avec des œuvres aussi légères qu’obsessionnelles par leur construction en série (tout ce que l’artiste peut faire autour d’un sujet), Claude Closky questionne la présence et l’influence des images dans notre vie de tous les jours, et s’en prend à l’illusion ici démontée pour mieux s’en libérer : « critiquer la fin et les moyens ». Une pratique du monde au quotidien, qui s’offre comme une méthode de regard et d’interprétation à la portée de tous, car ce sont des sujets partagés, d’un risque partagé.

A.F.

2006

Claude Closky

On Fire

Vidéo, édition 1/3, vidéo couleur sonore. Courtesy galerie Laurent Godin. Collection du MAC/VAL, Vitry-sur-Seine.

Notice

Ancien élève de l’École nationale supérieure des arts décoratifs, Claude Closky, au milieu des années 1980, produit, au sein du collectif Les Frères Ripoulin (avec Nina Childress, Pierre Huyghe…), de nombreuses oeuvres qui investissent et parasitent l’espace public. Depuis 1989, sa pratique protéiforme (vidéo, photo, peinture, dessin, son, sites Internet, papiers peints, livres d’artiste...) le conduit à nouveau à interroger les différents systèmes de représentation, d’information, d’organisation et de contrôle du « monde ». Héritier de l’OuLiPo et de l’art conceptuel, le langage chez Claude Closky devient image, tandis que l’image devient langage. La distance entre le signifiant et le signifié s’accroît, les mots d’ordre s’extraient de leur contexte, les injonctions au bonheur s’accumulent, « le blablabla de la galaxie hypermédiatique1 » résonne : « Je vois deux façons de créer une distance critique avec les modèles qui régissent notre quotidien. Leur opposer un nouveau discours pour les contredire, ou bien suivre leur logique et la faire s’emballer jusqu’à l’absurde. Comme artiste, je ne peux que choisir la seconde méthode. Je ne veux pas énoncer de théories érudites sur la société ou les médias. Il n’est pas nécessaire de démontrer que l’on a lu McLuhan pour faire une oeuvre. Si je dois m’inscrire dans une histoire, c’est dans celle de l’art et des artistes qui m’ont précédé2. » René Magritte et Andy Warhol, Joseph Kosuth et Ed Ruscha, Lawrence Weiner et Richard Prince, et les autres. À coup de listes, de programmes, de modes d’emploi, de systèmes, de partitions, de catalogues, d’inventaires, qui s’organisent de manière logique, arbitraire, hiérarchique, aléatoire, alphabétique, croissante, arithmétique, décroissante, Claude Closky passe son temps à classer les dix premiers nombres par ordre alphabétique, en français et en anglais (1989), à lister plus de trois cents petits prix (1991), à énoncer des codes PIN (2002), à diffuser le jingle de TF1 de manière impromptue (1997), à couper les conversations avec des sonneries de téléphone portable (1997), à jouer les notes d’une gamme dans un ordre alphabétique (1989), à constituer une bibliothèque dont chacun des livres qui la composent possède un titre comprenant, en tout ou en partie, une ou deux lettres de l’alphabet (Le A nouveau est arrivé, 1989), à balancer des dépêches d’agences de presse en prenant soin de substituer ou d’inverser certains mots (World News, 2002), mais toujours en conservant le « ton » de la breaking news… La forme. Le fond. L’absurde. Le signifiant. Le signifié. L’emballement. Arcueil (2000-2001) joue avec les contradictions. Tirage unique d’une photographie couleur, elle appartient à une large série (Ivry, Paris-Bastille…) qui aborde avec une certaine ironie la question de « l’ornementation lumineuse urbaine des fêtes de fin d’année » (les décorations de Noël), et avec les moyens, paradoxaux, de la photographie plasticienne. Claude Closky s’emploie à déconstruire de « belles images » en prenant ici un sujet pauvre, mettant le doigt sur le processus de réification. Un « sublime de pacotille3 », un travail sur le motif, ses récurrences, son formatage, sa désuétude, présentée sur un grand format qui rappelle la peinture d’histoire. Le travail de sape orchestré par Claude Closky est d’une grande efficience. Il n’y a rien à voir, si ce n’est le reflet du regardeur au milieu de cet (anti-) événement lumineux, cette archétypale (absence de) fête. Avec On Fire, l’artiste renvoie aux chaînes télévisées qui diffusent un feu de cheminée (ou un aquarium) dans la boîte à images du foyer en guise de programme. Claude Closky greffe ce feu, assimilé généralement au réconfort, à une sirène d’alarme incendie. Ce feu « basse définition » trouvé sur le net, par essence virtuel, diffusé via un très chic écran plat, s’insère dans un processus généralisé de déréalisation du monde4, avançant qu’il n’y a plus de réel du tout, que tout est devenu image et qu’il n’y a plus rien derrière l’image.

J.B.

2004

Claude Closky

Mon père

Collages sur papier, stylo-bille noir, 40 × 30 cm.
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
Photo © Jacques Faujour.

2004

Claude Lévêque

Sans titre (AMERTUME)

Néon bleu,
70 x 427 cm,
Collection MAC/VAL,
musée d’art contemporain
du Val-de-Marne
Acquis avec la participation
du FRAM Île-de-France
Photo © Jacques Faujour.

Notice

Imprégné du mouvement punk, de la musique new wave, du rock alternatif, de l’avant-garde alternative et de la contre-culture en général, Claude Lévêque entre à l’École des beaux-arts de Bourges en 1970. À la fin de cette décennie, il s’occupe de la programmation artistique de la Maison de la culture de Nevers, y expose de grandes figures de l’art corporel (Gina Pane, Rudolf Schwarzkogler, Michel Journiac) et organise des concerts et des programmes de cinéma expérimental.

En 1982, il participe pour la première fois à une exposition collective, à la Maison des arts de Créteil avec une installation, Grand Hôtel, qui rencontre l’adhésion immédiate du critique d’art Michel Nuridsany. Il développe par la suite une oeuvre polymorphe qui met en scène une déconstruction des codes et références de notre société, par le biais d’objets récupérés. Ses sculptures et ses installations évoquent, tour à tour, les thèmes de l’enfance, du conditionnement idéologique, de la ritualisation du corps, de la privation et de l’aliénation de l’homme, et de toutes les violences et les révoltes qui en découlent. Dans les années 1990, Claude Lévêque se focalise davantage sur des objets reflétant des représentations collectives, mais toujours distanciés, voire désincarnés par le dispositif lumineux, puis s’oriente vers un travail in situ. Il développe des installations immersives, dont les éléments puisés au réel et transfigurés par la lumière et le son forment des dispositifs scénarisés qui convoquent, tout à la fois, imaginaire subjectif et imaginaire collectif. Ces dispositifs rappellent le langage cinématographique, seule la déambulation du spectateur s’est substituée au mouvement des images. Ils interpellent chacune de nos facultés cognitives, sensorielles, affectives, et tous les éléments y concourent pour nous projeter sur une autre scène, celle de l’imaginaire, du jeu, du rêve, du cauchemar.

Acquise par le MAC/VAL en 2005, DATAPANIK, une œuvre in situ créée au musée Juming Taipei de Taïwan en 2004, illustre parfaitement cette démarche. Conçue comme une installation, elle invite à une déambulation à travers un paysage urbain nocturne. De grands immeubles en tissu, animés par le souffle d’un ventilateur et une lumière intimiste éclairant la scène de l’intérieur, évoquent une vision poétique de la banlieue, où se côtoient l’intime et l’universel, le sensuel et le fantomatique, le familier et l’étrange. Le titre de cette installation vient en contrepoint : il renvoie à la panique face aux données (data panik), aux illusions et aux leurres de la société de l’information, tout en faisant référence à un morceau de Père Ubu, légendaire groupe punk-rock de Cleveland, lui-même probablement inspiré du film de science-fiction Panic in Year Zero (End of the World), réalisé en 1968 par Ray Milland.

Au tournant des années 1990-2000, Claude Lévêque tend de plus en plus vers une épuration des formes, une rigueur du geste, un vocabulaire artistique accentuant davantage sa parenté avec le minimalisme, notamment dans sa façon de jouer avec la perception et de privilégier l’expérience. Omniprésente dans son travail, la lumière devient un matériau en soi, avec son volume, son épaisseur, sa couleur, et les écrits de néons, présents dès 1993, prennent de plus en plus d’importance. Si nombre d’artistes, avec lesquels Claude Lévêque partage l’objectif de créer des « états visuels particuliers », ont recours au néon (Alberola, Raysse, Morellet, Buren, Höller, Nauman, Kosuth, Koons et surtout Flavin), la plupart l’utilisent pour détourner des messages publicitaires, des slogans politiques ou pour d’autres jeux de mots. Les néons de Claude Lévêque puisent davantage dans un répertoire de citations, tout à la fois autobiographiques et empruntées à une mythologie contemporaine. Conçus dans l’optique de provoquer des « zones de réactivité », ils servent à créer des espaces poétiques proches du rêve. Et si ces néons n’ont pas de messages à délivrer, ils s’adressent de la façon la plus immédiate au visiteur et le sollicitent, pour ainsi dire, dans les tréfonds de son être.

En 2005, Claude Lévêque réalise pour le MAC/VAL une installation en néon bleu, dont le mot « amertume » – à travers l’écriture tremblée du jeune Léo Carbonnier – communique son ressenti du monde. Amertume s’inscrit dans une série de mots superbement provocants, que l’artiste griffonne en néon de couleur. S’y manifestent, tour à tour, ironie, auto-dépréciation, sentiment d’échec, rage, mélancolie, etc. : Nous sommes heureux, La vie est belle, Vous allez tous mourir, Goût à rien, En finir avec ce monde irréel, Dansez… Ces mots criés comme des contre-slogans rappellent le radicalisme nihiliste du mouvement punk, avec lequel ils partagent un désillusionnement face à l’état du monde. Comme la musique punk, leur ambition est de révéler la contingence de tout un système de références et de processus à l’œuvre malgré nous, pour opérer, espérons-le, une transformation durable de notre perception des choses.

An.B.

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2004

Claude Lévêque

DATAPANIK

2004
Draps blancs, châssis, ampoules électriques, ventilateurs, dimensions variables.
Collection MAC/VAL, musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
Photo © Jacques Faujour.

Une ville de nuit est suggérée par cinq tours en tissu éclairées de l’intérieur. Suspendues au plafond, elles flottent comme des lanternes ou des fantômes. La pénombre, l’instabilité et le changement d’échelle génèrent une perte des repères habituels. Mais il est aussi possible de se loger dans une des tours qui se fait alors abri, à la mesure d’un corps.
Cette installation a été créée à Taipei (Taïwan), capitale ultra-moderne où s’élevait en 2OO4 ce qui était alors la plus haute tour du monde (5O9 m de hauteur). Le gratte-ciel, signe de puissance mais également symbole anxiogène des mégalopoles, se fait ici fragile et onirique. Le titre de l’œuvre, que l’on peut traduire littéralement par « panique des données », est emprunté à celui d’un disque du groupe punk américain Pere Ubu. Il s’agit là aussi d’associer technologie et fin du monde.
Faites de matériaux simples et d’objets industriels, les œuvres de Claude Lévêque sont parfois de véritables scénographies émotionnelles qui appellent au déplacement, mobilisant lumière et son. Ici, les ventilateurs produisent une rumeur sourde comme celle d’une salle des machines.

Claude Lévêque

Claude Lévêque, Sans titre (ASILE), 1988.
Bois, métal, fil de fer façonné et peint, fil et ampoule électriques, 360 x 40 x 40 cm.
Paris, musée d’Art moderne.
© Adagp, Paris 2018.
Photo © Philippe Lebruman.

1990

Claude Viallat

Peinture

1990.
Acrylique sur toile de bâche
Collection MAC/VAL - musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
© Adagp, Paris 2014.
Photo © Claude Gaspari.

Dans toutes les œuvres de Claude Viallat, on retrouve le même motif en forme de haricot qui recouvre de manière régulière la surface de la toile et abolit les notions de centre et de périphérie. La répétition de ce même élément dévoile une multitude de différences au sein d’une même toile, posant au spectateur la question de son exécution manuelle ainsi que des relations entre la forme et le fond.
Dans sa pratique, Claude Viallat apporte un geste essentiel à l’histoire de la peinture, s’ajoutant à la collection d’expériences radicales menées sur le tableau par le groupe Supports/Surfaces : il laisse jouer ses toiles sans châssis, suspendues sur le mur ou au plafond. Il opère ainsi, à sa manière, une véritable libération de la peinture et de la matière.

Claude Viallat

Peinture, 1990
Acrylique sur toile de bâche marron, 348, 7 x 318 cm
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
© Adagp, Paris 2023
Photo © Claude Gaspari

2012

Clément Cogitore

We Are Legion

We Are Legion
2012.
Tirage chromogène, 87,5 x 106,5 cm.
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
© Adagp, Paris 2020.

Clément Cogitore
A propos de la narration et des images trouvées ou fabriquées

Clément Cogitore

Assange Dancing, 2012
Vidéo, couleur, muet, 3’30’’
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France
© Adagp, Paris 2022
Vue de l’exposition de la collection « À mains nues », MAC VAL 2022-2023
Photo © Aurélien Mole

Clément Cogitore
Assange dancing
MACVAL (2017)

2012

Clément Cogitore

We Are Legion

We Are Legion
2012.
Tirage chromogène sur papier, 100 x 120 cm.
Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
© Adagp, Paris 2017.


Dans We Are Legion, Clément Cogitore met en scène un groupe de figurants dans un décor champêtre, aux marges de la ville. Ils portent des masques à l’effigie du justicier de la bande dessinée V pour Vendetta, repris comme signe distinctif par les militants Anonymous.
Le titre de l’oeuvre est une reprise directe de leur slogan.

Le feu est le lieu du rassemblement, du partage des récits. C’est aussi là qu’apparaissent les images, ombres et fantômes. Entre romantisme et naturalisme, l’artiste joue avec l’histoire de la peinture et sacralise une scène banale.
Il sort de son invisibilité la figure fantasmatique du hacker, sorte d’icône contemporaine. Entre préparation et attente, rendez-vous secret, repos du guerrier ou pique-nique entre amis, cette composition peut aussi être vue comme un clin d’oeil au Déjeuner sur l’herbe de Manet (1863), ou au film de Jean Renoir Partie de campagne (1946).

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Clément Cogitore
Travel(ing)
A propos de quatre œuvres de Clément Cogitore, entretien (12/06/2017)

Clément Cogitore

Clément Cogitore, Parmi nous, 2011.
Film 35 mm transféré en vidéo HD, couleur, son, 30’.
Avec l’aimable autorisation de Kazak Productions.
© Adagp, Paris 2018.

2005

Cyprien Gaillard

Belief in the Age of Disbelief (L’arbre incliné / étape VI)

2005
Eau-forte, encre noire sur papier vélin, 36 x 47 cm (encadrée).
Collection MAC/VAL,
musée d’art contemporain
du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation
du FRAM Île-de-France.
Photo © Marc Domage.

Notice

Cyprien Gaillard, diplômé de l’ECAL1 en 2005, vit entre Paris et Berlin. Né en 1980, il fait partie d’une génération venue après la fin des « grands récits » d’émancipation comme des avant-gardes artistiques. Il semble considérer l’histoire du paysage comme un tout. Avec humour, fascination et peut-être nostalgie, il part à la recherche des traces de la modernité.

Dans Desniansky Raion (2007), il propose une méditation en trois parties sur l’architecture moderniste. La vidéo montre successivement une rixe entre deux bandes de hooligans dans un bloc d’immeubles à l’Est, la mise en spectacle par un « son et lumière » de la destruction d’une barre d’immeubles à Meaux et, finalement, une vue aérienne d’une cité de Kiev qui fait apparaître une analogie avec les pierres dressées de Stonehenge. Un style radicalement nouveau, élaboré par des personnalités non-académiques (Loos, Gropius, Le Corbusier…), devient le signe d’un monde disparu ou déchu : l’Union soviétique, la République, le communisme… Le spectacle devient célébration funéraire tandis que, sous la barre d’immeubles, resurgissent la ruine et l’archéologie. L’humour et l’ironie sont aussi une composante du travail de Cyprien Gaillard.

Ainsi, dans La Grande Allée du château de Oiron (2008), il récupère les gravats issus de la démolition d’une tour d’Issyles- Moulineaux pour en recouvrir l’allée principale du château. Les révolutions du land art (in situ, usage du matériau brut, terrassement comme geste plastique) permettent de transmuer le résidu d’un immeuble indésirable en patrimoine. Avec Belief in the Age of Disbelief (2005), l’artiste introduit des immeubles contemporains dans des estampes hollandaises du xviie siècle. La série met en doute notre position temporelle. Nous voyons en même temps une image du passé et celle d’un futur (les immeubles modernes devenus les vestiges d’une civilisation disparue).
Ces paysages qui peuvent nous apparaître « traditionnels » aujourd’hui sont au contraire un moment de bascule : Rembrandt et ses pairs prennent comme motif le réel.

Choisir le paysage plutôt que des scènes religieuses, c’est dire aussi qu’une société nouvelle, plus égalitaire, portée vers la Réforme et les Lumières, a besoin de nouvelles images du monde. Cyprien Gaillard invite à voir le modernisme à la fois comme l’héritier lointain de la Réforme et comme un avatar des ruines romaines, dont le motif triomphe dans la peinture européenne précisément aux XVIIième et XVIIIième siècles.

Ar.B

2005

Cyprien Gaillard

Belief in the Age of Disbelief (Harlem)

2005
Eau-forte, encre noire sur papier vélin, 36 x 47 cm (avec cadre), édition 5/10 + 2 EA.
Collection MAC/VAL, musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
Photo © Marc Domage.

Dans cette série d’estampes (eaux-fortes), Cyprien Gaillard introduit des immeubles contemporains dans des gravures flamandes du XVIIe siècle signées Rembrandt, Waterloo ou encore Hackaert.
Se superposent une image du passé et celle d’un futur : les immeubles modernes sont devenus les vestiges d’une civilisation disparue.
Le titre de la série, « Croyance en une époque d’incrédulité », évoque le consensus autour de la modernité qui permit, dans le vide de l’après-guerre, l’édification des grands ensembles.
Héroïque pour les architectes, confortable pour les habitants, cette modernité faisant le projet d’une société idéale se révèlera décevante.
À travers le délitement de l’utopie, l’artiste pointe l’échec de l’idéologie et met en doute l’unité d’habitation comme solution à la fois économique, politique et esthétique.
À partir du XVIIe siècle, un engouement pour le motif des ruines se lit à travers la peinture et la littérature européennes. Ce sont d’abord les vestiges antiques qui fascinent, puis, à partir du XIXe, les ruines gothiques et médiévales sont célébrées par les Romantiques. L’oeuvre de Cyprien Gaillard s’inscrit dans cette tradition iconographique ancienne.

1992

Dalite 1

Jérôme Basserode

Bois, paraffine, pigments, crayons, zinc et arbre, 70 x 51 x 60 cm.

Notice

Jérôme Basserode développe un travail qui s’articule autour du vivant et du nomadisme. Il rend compte des relations entre l’homme et son environnement en utilisant des matériaux quotidiens ou naturels. Depuis 1984, l’artiste crée à partir de matières organiques et observe les imperceptibles signes de leur évolution. En 1992, il conçoit les « Dalite », des objets-meubles avec tiroirs remplis d’éléments naturels. « Dalit » est un terme qui signifie « intouchable » en hindi, ce qui semble contradictoire avec l’aspect très tactile de ces sculptures. Basserode dresse un inventaire minéral et végétal du monde à l’intérieur de ces formes mobilières et domestiques. Les Dalite de l’artiste s’apparentent plus à des objets surréalistes qu’à des productions de design. Dalite 1 est la première œuvre de cette série. Les tiroirs de bois clair de ce meuble de rangement sont colorés par de la paraffine, des pigments et de la cire. Une plantation de buis jaillit de l’un d’entre eux comme un petit jardin miniature. Le végétal apparaît sous ses différentes formes, du contenu le plus naturel (l’arbuste) jusqu’au contenant industriel (la structure de bois laminé, aggloméré et contreplaqué). La nature est contrainte par l’homme, les éléments manufacturés sont constitués de matériaux qui en sont issus : le meuble lui-même, les plaques de zinc et les crayons en bois à mine de carbone qui sont comme fossilisés sous la paraffine. Ces crayons emprisonnés et qui semblent interroger l’activité même de l’artiste sont exposés, montrés par transparence. Avec le végétal, Basserode fait entrer l’extérieur à l’intérieur, choisissant un objet de l’espace domestique : un meuble de rangement en pin aux tiroirs ouverts. Mais cette fonctionnalité est entravée par sa forme et son contenu : l’arbuste et l’absence de poignées dans les encoches des tiroirs empêchent la mobilité de ces derniers. Tel un jardin, l’œuvre, pour être conservée, exige un entretien régulier.

V. D.-L.

2010

Damien Cabanes

Villette

2010
Inventaire n°2011-2026
Photo © J.Faujour

Damien Cabanes
Villette, 2010

Écouter ou télécharger l’audioguide de l’œuvre du parcours #5

2004

Damien Cabanes

Samuel endormi III

2004
Gouache sur papier, 150 × 196 cm.
Collection MAC/VAL, musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Photo © Marc Domage.

Prendre son envol. Et demain, que sera demain ? Excitation et inquiétude mêlées…pas le choix, il faut avancer.
Pourtant l’engourdissement peut apparaître : se réfugier dans le sommeil, un repli, encore un peu de temps sollicité. Damien Cabanes a beaucoup peint les enfants dans leur monde et, parfois, posant pour lui, ils se sont endormis… Le modèle lui est nécessaire, pas l’imagination : cette dernière sera plutôt le fait du spectateur de ses œuvres. Peu de frontières entre les différentes pratiques de l’artiste mais une porosité du regard. L’œuvre entretient un aller-retour très naturel entre l’abstraction et la figuration.
Tension et vivacité caractérisent des gouaches qui jouent constamment avec le blanc du papier. La figure horizontale semble en lévitation, suspendue dans la page. Un nom, une posture, une présence surtout, le minimum est livré pour parler de peinture : lignes, taches, points, succession d’instants, agencement chromatique dans l’espace du papier. Fermer les yeux, le monde disparaît, encore un peu de silence.

Damien Cabanes
Samuel endormi III, 2004

Ecouter ou télécharger l’audioguide de l’oeuvre Samuel endormi III, du parcours #5

2000

Daniel Buren

La Cabane éclatée polychrome aux miroirs

La Cabane éclatée polychrome aux miroirs, 2000.
Bois, miroirs, acrylique, vinyle, 351 x 351 x 351 cm.
Collection MAC/VAL - musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
© Adagp, Paris 2014.
Photo © Jacques Faujour.

Notice

Daniel Buren met au point en 1965 son outil de travail, qu’il dénomme « outil visuel », fameuses bandes blanches de 8,7 cm de large, alternant avec d’autres de même largeur, noires ou colorées. D’abord support de la couche picturale, l’outil visuel est ensuite imprimé et affiché dans la rue, puis apposé à l’architecture, avant de s’architecturer lui-même avec « Les cabanes ».

Les premières ont été conçues à partir d’une contrainte, celle de réaliser au musée de Mönchengladbach une commande in situ dont on pourrait conserver la trace. Pour répondre à cette demande, l’artiste a proposé À partir de là (1975) : une seconde peau qui porte la mémoire des œuvres exposées par des surfaces laissées vides sur des cimaises rayées, ainsi que la mémoire d’espaces qui allaient disparaître.

La Cabane éclatée polychrome aux miroirs a été conçue pour être exposée à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne en 2000. À l’extérieur, des murs de miroirs cachent sa présence par la réflexion de son environnement. Comme sous l’effet d’une implosion, quatre éléments se sont détachés au centre de ces murs, révélant dans l’embrasure le fameux outil visuel, inimitable signature-signalétique, et laissant entrevoir, à l’intérieur, des murs peints de bleu clair, bleu foncé, jaune et rose, reflétés par un axe central en miroir.

La cabane est un objet architecturé aux déclinaisons plastiques extrêmement riches. En fonction du lieu de présentation, l’artiste en module à l’infini les paramètres : épaisseur, reflet, couleurs, transparences, superpositions, matériaux… Cet espace ménage, contrairement à un tableau, des points de vue multiples ; il est, par son éclatement, une œuvre ouverte, une invitation à la promenade, à l’expérimentation des passages, de l’extérieur vers l’intérieur et jusqu’au centre.

Daniel Buren poursuit depuis les années 1960 une démarche artistique critique dans son rapport au musée, institution dont l’impact sur la vision même des œuvres qu’il présente est le plus souvent occulté. « Le pouvoir du musée est celui d’imposer le terme d’œuvre d’art à tout ce qu’il expose et donc d’annihiler toutes questions par des réponses qui le satisfont. En d’autres termes, d’imposer son discours univoque sur la multiplicité discordante des discours exposés. »

L’œuvre de Daniel Buren s’échappe de la peinture et s’architecture, elle renverse le rapport de pouvoir dans la situation d’interdépendance œuvre/musée jusqu’à nier la réalité même du musée avec un habile sens de la provocation institutionnalisé qui suggère, sur le mode de la fable, l’histoire du « Musée qui n’existait pas » (2000, Centre Pompidou).

I.L.

2000

Daniel Buren

La Cabane éclatée polychrome aux miroirs

Bois, miroirs, peinture acrylique, vinyle, velum, lumière électrique ; 351 x 351 x 351 cm. Inv. 2002.925 / Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France. © Adagp, Paris 2007 © photo droits réservés.

Notice

Daniel Buren met au point en 1965 son outil de travail, qu’il dénomme « outil visuel », fameuses bandes blanches de 8,7 cm de large, alternant avec d’autres de même largeur, noires ou colorées. D’abord support de la couche picturale, l’outil visuel est ensuite imprimé et affiché dans la rue, puis apposé à l’architecture, avant de s’architecturer lui-même avec « Les cabanes ».

Les premières ont été conçues à partir d’une contrainte, celle de réaliser au musée de Mönchengladbach une commande in situ dont on pourrait conserver la trace. Pour répondre à cette demande, l’artiste a proposé À partir de là (1975) : une seconde peau qui porte la mémoire des œuvres exposées par des surfaces laissées vides sur des cimaises rayées, ainsi que la mémoire d’espaces qui allaient disparaître.

La Cabane éclatée polychrome aux miroirs a été conçue pour être exposée à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne en 2000. À l’extérieur, des murs de miroirs cachent sa présence par la réflexion de son environnement. Comme sous l’effet d’une implosion, quatre éléments se sont détachés au centre de ces murs, révélant dans l’embrasure le fameux outil visuel, inimitable signature-signalétique, et laissant entrevoir, à l’intérieur, des murs peints de bleu clair, bleu foncé, jaune et rose, reflétés par un axe central en miroir.

La cabane est un objet architecturé aux déclinaisons plastiques extrêmement riches. En fonction du lieu de présentation, l’artiste en module à l’infini les paramètres : épaisseur, reflet, couleurs, transparences, superpositions, matériaux… Cet espace ménage, contrairement à un tableau, des points de vue multiples ; il est, par son éclatement, une œuvre ouverte, une invitation à la promenade, à l’expérimentation des passages, de l’extérieur vers l’intérieur et jusqu’au centre.

Daniel Buren poursuit depuis les années 1960 une démarche artistique critique dans son rapport au musée, institution dont l’impact sur la vision même des œuvres qu’il présente est le plus souvent occulté. « Le pouvoir du musée est celui d’imposer le terme d’œuvre d’art à tout ce qu’il expose et donc d’annihiler toutes questions par des réponses qui le satisfont. En d’autres termes, d’imposer son discours univoque sur la multiplicité discordante des discours exposés. »

L’œuvre de Daniel Buren s’échappe de la peinture et s’architecture, elle renverse le rapport de pouvoir dans la situation d’interdépendance œuvre/musée jusqu’à nier la réalité même du musée avec un habile sens de la provocation institutionnalisé qui suggère, sur le mode de la fable, l’histoire du « Musée qui n’existait pas » (2000, Centre Pompidou).

I.L.

Daniel Buren

La cabane éclatée polychrome aux miroirs, 2000
Bois, miroirs, peinture acrylique de quatre couleurs, vinyle auto-adhésif noir, 351 x 584 x 584 cm
Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne. Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France
© DB - Adagp, Paris 2023
Photo © Jacques Faujour