Rockraft est né de deux voyages entièrement différents. Pour le premier, une tonne de pierres d’extraction locale, de l’oolithe inférieure, a été transportée sur dix-neuf kilomètres à bord d’une simple plate-forme flottante, du quartier d’Avonmouth au centre-ville de Bristol, en profitant uniquement de l’énergie générée par la deuxième plus importante marée au monde. À son arrivée à Bristol, la pierre a fait un autre voyage, virtuel celui-ci, lorsque ses formes ont été scannées puis répliquées à l’aide d’une fraise à commande numérique de pointe. Ce double a alors été exposé sur un socle construit selon les mêmes dimensions que celles de la plate forme flottante d’origine.
Rockraft
Three White Desks
Reproduction d’un bureau conçu par Francis Bacon pour Patrick White (vers 1932), réalisée à Berlin en Allemagne par l’ébéniste Uwe Küttner en s’inspirant d’un scan de 30 Mo d’une photographie d’époque de la Bibliothèque nationale de Canberra en Australie. Reproduction d’une reproduction d’un bureau conçu par Francis Bacon pour Patrick White (vers 1932), réalisée à Sydney en Australie par l’ébéniste Charmian Watts en s’inspirant d’un fichier jpeg de 84 Ko envoyé via un téléphone portable par Uwe Küttner depuis Berlin. Reproduction d’une reproduction d’une reproduction d’un bureau conçu par Francis Bacon pour Patrick White (vers 1932), réalisée à Londres en Angleterre par l’ébéniste George Gold en s’inspirant d’un fichier jpeg de 100 Ko envoyé par e-mail par Charmian Watts depuis Sydney.
En 1928, inspiré par le travail de designers modernes tels que Marcel Breuer, Eileen Grey, Le Corbusier et Robert Mallet-Stevens (qu’il avait eu le loisir d’observer pendant une année passée à Berlin et Paris), Francis Bacon, alors âgé de dix-neuf ans, monte un atelier de design au 17, Queensbury Mews West, à Londres. C’est là que, pendant une courte période, il produit d’élégants meubles modernes. Grâce en grande partie à l’amitié qui le lie à un artiste d’origine australienne plus âgé, Roy de Maistre, Bacon reçoit alors un certain nombre de commandes pour ses meubles et objets de décoration intérieure. Il redessine l’intégralité de l’appartement de la collectionneuse d’art contemporain Gladys MacDermot (qui sera entièrement détruit pendant la Seconde Guerre mondiale), conçoit une table à manger en verre et acier pour Sydney Butler (la fille du collectionneur et mécène Samuel Courtauld), ainsi qu’un élégant bureau en bois peint pour l’écrivain australien et amant de Maistre, Patrick White. Avant son retour en Australie en 1947, White vend tous ses meubles aux enchères – une décision qu’il regrette presque immédiatement. Au début des années 1950, il apporte une photo du bureau à un menuisier du quartier de Parramatta à Sydney et lui demande de le reproduire. White ne sera jamais satisfait du résultat, une version médiocre et provinciale du bureau aux lignes épurées et modernes de Bacon : les exquises poignées nickelées sont remplacées par de simples boutons, et un pan de linoléum est substitué au cuir blanc et sévère qui recouvrait le bureau d’origine.
Vue de l’exposition
Photo © Marc Domage / MAC/VAL
Les Maquettes en blanc (1995-2009)
Ce projet en évolution continue, exposé pour la première fois au MAC/VAL et au Parc Saint Léger, présente le résultat de quatorze années de publications. Dans la pratique traditionnelle, mais aussi dans le contexte d’œuvres créées dans le champ élargi de la performance, des procédés de production, de la documentation et de la médiation, les livres constituent souvent une partie intégrante de l’œuvre. Ils apportent habituellement les éléments de recherche, un sentiment d’appartenance dans le temps et l’espace et/ou un réseau de connectivité à la présentation d’une œuvre. C’est pourquoi les livres ont pour beaucoup une importance primordiale, comparable à celle des installations, photographies, sculptures et films. Dans certains cas (24hr Tangenziale, 2006 ; Three Birds, Seven Stories, Interpolations and Bifurcations, 2008), l’exposition elle-même constitue un processus « éditorial » intermédiaire dans la production d’un livre. Au sein de l’exposition du MAC/VAL et du Parc Saint Léger, chaque publication est présentée parallèlement sous la forme du livre imprimé, parachevé et publié, mais aussi, avant cela, sous celle de sa « maquette en blanc ». La transition entre ces deux états, de la maquette blanche et vide au livre imprimé, marque et emprunte un ensemble d’autres chemins réels et intellectuels à parcourir dans les expositions, érigeant les publications comme phénomènes parallèles à part entière aux sculptures, installations et photographies qu’elles accompagnent.
Mirrored Wall Head
Mirrored Wall Head renvoie l’univers high-tech des fraiseuses informatisées et du transfert de données à l’art ancestral des murs en pierres sèches. Huit pierres ont été soigneusement choisies pour former l’une des extrémités de ce mur de six mètres de long. La forme de ces pierres a alors été scannée et répliquée de sorte à pouvoir créer leur reflet exact à l’aide d’outils de taille de pierres de pointe. Telle une partie de dominos en maçonnerie, le motif de construction dicté par ces premières pierres dessine des trajectoires à travers le mur, depuis ses extrémités vers son centre où se rencontrent ces motifs en miroir.
Silver Particle
Prenant pour point de départ l’acquisition d’une épreuve photographique originale au gélatino-bromure d’argent de l’un des plus célèbres sculpteurs modernes britanniques, Silver Particle/Bronze (After Henry Moore) a été créée en découpant une portion circulaire dans la photographie de Moore et en éliminant la couche de gélatine qui la recouvre, afin d’exposer les minuscules particules d’argent la constituant. L’une de ces particules est ensuite scannée encore et encore dans un microscope électronique pour générer une maquette 3D, alors produite à une échelle énormément agrandie dans le même matériau que la « figure allongée » créée pour Moore par la fonderie Hermann Noack à Berlin (une entreprise avec laquelle Moore a collaboré toute sa vie). Entre sculpture et photographie, Silver Particle/Bronze (After Henry Moore) reprend l’habitude qu’avait Moore d’extrapoler à partir de formes trouvées dans la nature (cailloux et ossements constituaient ses matériaux de prédilection) et la retravaille à l’échelle microscopique de la photographie argentique.
D1 – Z1 (22,686,575:1)
Considéré comme le premier ordinateur au monde entièrement programmable, le Z1 est conçu en 1936 par l’ingénieur et artiste allemand Konrad Zuse (1910-1995). Il a 172 octets de mémoire et permet d’effectuer des additions, des soustractions, des multiplications et des divisions. Autofinancé, le Z1 est quasiment entièrement créé par Zuse dans l’appartement berlinois de ses parents. Achevé en 1938, il est « programmé » à l’aide de bandes perforées que l’on entre dans un lecteur. Zuse perfore ses programmes dans du film photographique 35 mm normal. Les scènes de D1 - Z1 (22,686,575:1), projetées ici pour la première fois, ont été tournées à l’aide des dernières techniques en date en termes d’animation, notamment un logiciel de rendu de surface développé à Berlin. Cette simple séquence animée de 30 secondes montrant le lecteur du film perforé (une minuscule pièce de la machine d’origine) a demandé 3 992 837 240 octets d’information, c’est-à-dire l’équivalent de plus de 22 millions de fois la mémoire du Z1. Cette reconstruction informatique virtuelle a ensuite été transférée sur du film 35 mm traditionnel et elle est projetée à l’aide d’un autre vestige de la technologie allemande du milieu du siècle dernier, un projecteur cinéma de modèle Dresden D1.
Work, Made-ready, Kunsthalle Bern
Work, Made-ready, Kunsthalle Bern inverse la notion de readymade par un acte simple mais laborieux de transmutation. Deux objets d’aluminium sont chacun reconstruits à l’aide du métal provenant de l’autre objet. On obtient alors deux « mutations » dégradées de leur ancienne essence industrielle, qui portent les cicatrices de leur transformation génétique.