Sabine Weiss

70 tirages en noir et blanc sur papier (30x40 cm).

Notice

Assistante du photographe Willy Maywald à son arrivée à Paris en 1946, Sabine Weiss entre à l’agence Rapho en 1953, grâce à Robert Doisneau. Sa formation technique, sa culture élargie liée à la fréquentation des maîtres de la photographie et des plasticiens proches de son mari peintre, Hugh Weiss, sont au service d’une mémoire sociale déclinée au fil d’instantanés débordant d’altérité. L’artiste revendique son amour profond des gens par la pratique d’une photographie sans anecdote ni artifice, refusant l’événementiel au profit d’une expérience de la durée avec le modèle. Le détail exprime l’ensemble, l’infiniment petit raconte le grand. La composition est savamment choisie, soutenue par une modulation très contrastée de la lumière variant du noir profond au blanc pur.

Apprendre à observer, à garder en images ce qui va disparaître fonde la démarche de Sabine Weiss pour sa série « Étude photographique sur les habitants du Val-de-Marne ». Les soixante-douze photographies sont nées d’une commande du Conseil général du Val-de-Marne en 1986 pour le Fonds départemental d’art contemporain, ancêtre du MAC/VAL. Le thème initialement proposé concernait les échangeurs autoroutiers, mais l’artiste lui a substitué une série de rendez-vous photographiques avec les habitants du département. Elle développe les thématiques qui retiennent son attention depuis toujours : l’habitat, les religions, l’enfance, les loisirs, la solitude, la richesse et la pauvreté, la banlieue, les étrangers…

Durant six mois, elle a mis en œuvre son protocole habituel de travail, parcourant seule le Val-de-Marne à la rencontre des gens et de leur singularité. Chaque prise de vue est précédée d’un temps d’échange, préalable nécessaire à tout arrêt sur image respectueux : père de famille jouant avec son enfant, immigré accueilli par France terre d’asile, désordre d’une chambre d’adolescent, l’abbé Pierre lisant dans sa minuscule chambre à Nogent-sur- Marne, repos dominical dans les jardins ouvriers, femme âgée seule à table, chef d’entreprise jouant au billard dans son salon. Dignité, humour et empathie se dégagent de ces rencontres figées sur la pellicule il y a plus de vingt ans. Elles témoignent d’un temps qui passe inexorablement et des prémices d’un futur mondialisé devenu réalité, comme un préalable aux oeuvres plus récentes de Kimsooja ou de Sarkis sur le thème de l’exil, de Daniel Spoerri, Valérie Jouve ou Jean-Luc Moulène sur notre habitus défini en son temps par Pierre Bourdieu.

D.G.

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