Patrick Tosani

Photographie Photographie couleur c-print, 52 x 68 cm. (Edition 1/5).
© Adagp, Paris 2008.

Notice

L’oeuvre de Patrick Tosani est un solide repère de l’esthétique photographique. Au début des années 1970, la photographie n’étant pas encore enseignée dans les écoles des beaux-arts, Patrick Tosani se sert du contexte déplacé d’études d’architecture pour le ramener à ses propres préoccupations de l’image, de l’espace de la représentation. Dès 1989 l’exposition « Une autre objectivité » conçue par Jean-François Chevrier et James Lingwood, présentée au Centre national des arts plastiques à Paris (puis à Londres et à Prato), ancre les recherches du photographe dans l’histoire de l’art moderne et contemporain. L’artiste a pris le parti de questionner la nature de l’image photographique, les conditions de son apparition, en élaborant un processus de production qui, symétriquement, devient chez le spectateur processus d’interprétation photographique. L’enjeu essentiel de son travail est d’articuler au réel sa représentation métaphorique. Mettant en scène une rencontre, une adhésion du modèle et de l’intime, Intérieur Externe et Transpercement procèdent d’un dispositif de projection lumineuse d’une image sur une maquette. Intérieur Externe est le volume simplifié d’un habitat sur lequel est projeté l’intérieur d’une chaussure coupée en deux. L’association de deux formes qui jouent la contradiction intérieur/extérieur, interne/externe met en évidence une situation où il est question de corps et d’architecture, de plein et de vide, de présence et d’absence. Transpercement est un grand format qui monumentalise un modèle réduit de maison sur lequel est projeté un fragment de jambe au pied à demi recouvert d’une chaussure coupée. Le pied prend naturellement sa place dans une chaussure évidée. La jambe charpente littéralement l’arche ouverte dans la maquette dont le volume reste indéterminé, dont l’échelle est imprécise.

Chez Patrick Tosani, la photographie est moins de l’instantanéité que de la lumière dans un espace. C’est pourquoi elle est toujours engendrée par un dispositif qui construit le champ photographique. Ici, la projection lumineuse d’une image éclaire un volume et l’espace l’environnant se perd dans l’arrière-plan. Masse, poids, couleur, texture ne prennent forme qu’avec l’apparition de l’image sur la surface vide de la maquette en carton. Quant au paramètre lumière, s’il participe de l’étrangeté de cette maquette, c’est sa maîtrise qui cerne un espace plus proche et, paradoxalement, l’indétermine. Cela rappelle la série des portraits en braille de 1985, dont l’objet était de rendre lisible, par projection d’un portrait flou, une surface écrite en braille. La projection lumineuse est un moyen de faire advenir l’image et participe tout autant du processus de pensée qu’est la représentation. Oxymore visuel, trouble de la perception, le regard est invité à déterminer ce qui a « fait » l’image. Phénomène de réduction ou d’agrandissement, le choix du petit format pour Intérieur Externe, comme celui du grand format pour Transpercement sont le fruit d’ajustements pendant le temps de travail : trouver la dimension juste est l’aboutissement de la question de l’échelle. Familier de l’architecture du fait de ses études, Patrick Tosani a toujours confronté la question de la représentation à des questions d’espace et d’échelle, et naturellement aux questions de perception du spectateur dans l’espace d’exposition.

En écho à ses œuvres réalisées en atelier, l’artiste envisage des expérimentations dans des lieux publics ; l’enjeu étant de confronter l’image à l’échelle réelle de l’espace urbain, de vérifier comment, devenue monumentale, elle peut activer la perception de l’architecture, de son volume. Si l’architecte pense l’espace, le photographe produit une image pensée de l’espace.

F.G.