À l’aide de petits objets (tasses brisées, disques vinyles, pansements, mouchoirs…), de dessins, de films animés ou de textes, Anne Brégeaut nous raconte des micro-histoires et nous fait partager son regard sur l’intime, l’amour et ses aléas, des illusions à la désillusion, peu importe la forme. Les déclarations, les disputes, les ruptures, l’oubli, les réconciliations, les chagrins, les accusations constituent le terrain fertile du travail de l’artiste, avec un régulier background autobiographique.
Avec Anniversaire, un bouquet de bougies, Anne Brégeaut aborde un événement récurrent de l’intime. Dans un de ses cours au Collège de France (1977-1978), Roland Barthes expliquait : « La cérémonie (par exemple l’anniversaire) protège comme une maison : quelque chose qui permet d’habiter le sentiment. » L’anniversaire est le rituel de passage qui consiste à souffler les bougies pour célébrer une année passée. Ici agrégées par la cire, ét(r)eintes, les bougies peuvent se révéler être une allégorie de la force de l’union sur le temps qui use. Mais de quel anniversaire est-il question au juste ? Célèbre-t-on l’anniversaire d’un couple, d’une alliance ou d’un individu, d’une naissance ?
Où est passé le gâteau sur lequel on plante habituellement les bougies ? Que reste-t-il de toutes ces années ? Louis Aragon n’avait-il pas écrit : « Que s’est-il donc passé ? La vie, et je suis vieux. » Souffler les bougies d’anniversaire est une « parade de réassurance », en guise de soutien face au temps qui s’écoule inexorablement, c’est un (r)appel à réinventer les formes de la passion face à l’érosion de celle-ci. Pour le dire autrement, trouver un nouveau souffle. Frédérique Toudoire-Surlapierre, dans le recueil « L’Anniversaire » (Presses universitaires Blaise Pascal, 2008), expose ainsi son interprétation : « L’anniversaire est un rite du sentiment. Il vise à colmater un vide, ou tout au moins le sentiment d’une perte, il est une façon de partager ses angoisses. »
J.B.