Jacques Villeglé (Jacques Mahé de La Villeglé, dit)

Affiches lacérées
Inventaire n°1997-731
Don de l’artiste

Villeglé collecte dans la rue la chronique de notre temps. Des fils de fer provenant du mur de l’Atlantique sont ses premières trouvailles. Puis il commence, en 1949, à décoller des affiches dans la rue avec son ami Raymond Hains. En 1960, il fait partie des membres fondateurs du Nouveau Réalisme, qui trouvent dans ce que le critique Pierre Restany nomme la « nature urbaine » la matière première de leur création.
Les affiches lacérées témoignent de la réaction des passants, actifs créateurs d’oeuvres anonymes et collectives. Les marcheurs déchirent, au fil des itinéraires et des agacements, des lambeaux de papier découvrant, dessous, les affiches précédentes. Une annonce officielle de vente aux enchères immobilière, une affiche revendiquant la paix au Vietnam, une autre commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Puis apparaissent des couches inférieures : le visage d’un homme moustachu et, sur sa joue, celui d’une femme qui fume. Du chaos des images et des discours, de l’actualité internationale à celle du showbiz, des aplats et des taches de couleurs aux multiples typographies, une œuvre plastique surgit, entre ready-made et peinture gestuelle, par l’invention de l’artiste.
Le titre indique systématiquement avec une précision documentaire lieu et date de la découverte. L’une vient de la rue du Temple à Paris, terrain de chasse proche du domicile de l’artiste. Et une histoire événementielle, de la publicité, de la typographie, de l’iconographie et des fantasmes contemporains, se crée au fil de la constitution d’une collection d’affiches pendant plus de cinquante années.
Elle pourrait être une métaphore de la stratification de la mémoire, un palimpseste des mouvements de notre époque. Plus que les affiches, Villeglé collectionne les images de la vie publique, sortes de peintures d’histoire nées de la rue.