« Tag um Tag guter Tag I (Tag), #1920 »

Peter Dreher est un peintre allemand qui influença une génération entière d’artistes, dont Anselm Kiefer. Profondément affecté par le régime nazi et ses conséquences, il trouve dans la peinture un refuge lui permettant de se déconnecter du monde. Les différents motifs, toujours réalistes, des paysages, des intérieurs, des natures mortes, ne se rattachent à aucun des courants qui dominent alors la création (expressionnisme abstrait, minimalisme, Fluxus…). En 1974, il débute l’oeuvre de sa vie, « Tag um Tag guter Tag » (« Jour après jour, c’est un bon jour »), une série de tableaux d’un verre vide transparent, sur des toiles mesurant 25 x 20 cm, où rien ne change si ce ne sont la vibration de la couleur et l’état d’esprit de l’artiste. Presque chaque jour, il peint ce verre, suivant le même protocole, ayant jusqu’ici réalisé près de cinq mille peintures (série en cours). Le titre de la série provient d’un koan1 d’un maître zen chinois, Yunmen Wenyan : « Ummon dit à ses disciples : “Je vous demande de ne rien dire avant le quinzième jour du mois, et de dire quelque chose seulement après le quinzième jour du mois.” Parce qu’aucun moine ne pouvait répondre, Ummon a répondu et a dit : “Chaque jour est un bon jour !” »

Peter Dreher envisage la forme de la série comme une pensée bouddhiste : il faut d’abord regarder une pierre avant de regarder la pyramide entière. La pensée zen nous apprend aussi que si une chose est ennuyeuse au bout de 2 minutes, il faut essayer encore, pendant 4, 8, 16, 32 minutes… Également influencé par la phénoménologie de Husserl qui considère l’expérience comme intuition sensible des phénomènes, Peter Dreher s’applique à peindre le verre sans préconception : « Comme la nature fait avec un arbre : une feuille montre un genre, trois feuilles possèdent des ressemblances et des différences, une branche montre le résultat de la vie qui passe. Il ne suffit pas juste d’avoir l’idée de peindre deux mille peintures “semblables”, vous devez le faire – et ce projet n’a aucune fin. »

J.B.

Peter Dreher

2005
Huile sur toile, 25 x 20 cm.
© Adagp, Paris 2010.
Courtesy Galerie Wagner + Partner, Berlin.