Vidéo projection, muet, 8 min.
Notice
Après une formation en philosophie, linguistique et sémiologie et une thèse intitulée Travail du film, travail du rêve sous la direction de Roland Barthes, Thierry Kuntzel entreprend des travaux de recherche à l’ORTF, puis à l’INA, de 1972 à 1989. Il est parallèlement enseignant en sémiologie et commence un travail plastique et vidéo à la fin des années 1970. Que ce soit avec des néons ou des vidéos, il utilise les différents pouvoirs de la lumière, de l’obscurité à l’éblouissement.
Venises est une vidéo montrant un plan fixe de la cité des doges pris de l’embarcadère du Lido au crépuscule. Le montage est formé d’une sélection de huit minutes de prises de vues réalisées pendant une demi-heure. Le temps est ici accéléré, mais l’œuvre donne l’illusion du temps réel. Le paysage s’obscurcit tandis que les lumières de la ville et de la lagune s’allument les unes après les autres, jusqu’à former une ligne intensément colorée, séparant le ciel et la mer d’un gris quasi monochrome. Le paysage change de teinte dans la lenteur, les larges aplats de couleurs sont par moment contredits par la diagonale du passage d’un vaporetto. L’absence de son renforce cette perception de durée.
Le titre de l’œuvre évoque le roman éponyme de Paul Morand. On peut également y voir une relecture contemporaine des vedutte de Canaletto ou Guardi. Cette vue de Venise s’inscrit dans une longue tradition : la ville a été maintes fois peinte, photographiée, décrite comme une « icône » de l’histoire de l’art et du tourisme. Pourtant, cette vue fascine par sa singularité, sa différence, qui tiennent à l’indicible.
Avec Venises, Thierry Kuntzel transforme le genre du paysage, par l’originalité de son regard sur ce qui est ; ici, un monde d’eau et de lumières qui, au fil du crépuscule, se métamorphose en une peinture immobile, composée de lignes et de points. Par ce travail sur le paysage et la lumière, il tend à une disparition de l’image, à un effacement du motif qui trouble le regard du spectateur.
V. D.-L.