Gilles Barbier

1999-2000
Mannequin en cire, assemblage d’objets,
600 x 300 x 300 cm
Collection MAC/VAL,
musée d’art contemporain
du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation
du FRAM Île-de-France.
Photo © Jacques Faujour.

Notice

Sculptures, photographies, grands dessins, installations, l’oeuvre de Gilles Barbier est multiple et foisonnante. Ennemi de la logique et des vérités définitives, l’artiste propose des circuits alternatifs à la pensée, s’appliquant pour commencer à déstabiliser son propre processus de décision dans son travail. Ainsi, il s’autorise à multiplier les scénarios pour inventer d’autres possibles, d’autres mondes, d’autres attitudes…

L’Ivrogne nous donne à voir une scène invraisemblable, mais d’un réalisme étonnant : un homme à genoux, comme écrasé par la spirale monumentale qui semble sortir de son crâne. Un tourbillon qui mélange tout, le vulgaire, le politique et l’enfantin, dans lequel nous retrouvons les motifs d’élection de l’artiste : gruyère, trous, rubans de langage, bulles de bande dessinée, morceaux de corps, lombrics (qui sont un portrait de l’homme contemporain en consommateur)… et plusieurs chapeaux, comme autant de personnalités pour un même individu.

Depuis 1994, affirmant un goût pour la copie et la miniature, Gilles Barbier moule des effigies en cire de lui-même qui servent ses scénarios. L’idiotie, la perversité, la voracité… Dans un jeu de déconstruction de l’identité, la communauté de clones qu’il a créée lui permet d’explorer par transfert différents comportements plus ou moins excentriques. Parce qu’ils libèrent des pensées imprévisibles, les effets des psychotropes comme la drogue ou l’alcool sur le cerveau fascinent l’artiste – à l’image de toute autre stratégie permettant de sortir d’un état de conscience sclérosé.

Gilles Barbier conçoit dès 1995 des « kits de décision » pour accompagner les clones nains de Comment mieux guider notre vie au quotidien… Une fable rappelant un roman qui fut pour beaucoup la bible de l’anticonformisme, L’Homme dé de Luke Rhinehart (1971) ou l’histoire d’un homme englué dans l’ennui qui choisit un jour de jouer aux dés chacune de ses décisions. Il adopte alors un nouvel art de vivre, sans ego, sans limites, le hasard lui permettant de jouer une multitude de rôles, de retrouver le plaisir de l’enfant à être tour à tour cow-boy, indien et policier. Cette profusion de personnages décalés met à nu la frustration d’individus dont les désirs, constamment sollicités et renouvelés par la société de consommation, ne sont jamais satisfaits.

En nous renvoyant à nos propres contradictions et à l’absurdité de notre société, l’oeuvre de Gilles Barbier n’est pas seulement débordante d’imagination, mais également éminemment politique.

L.H.