Rêver le vent
En cette rentrée 2021-2022, l’envie était trop forte de vouloir tout emporter par une grande bourrasque. Alain Corbin, auteur de La Rafale et le Zéphyr, histoire des manières d’éprouver et de rêver le vent, nous dit combien « ce flux invisible, continu, imprévisible, synonyme de mouvement, vecteur d’immensité est le meilleur antidote à l’impression d’enfermement que nous éprouvons ».
Samedi 25 septembre 2021, 14h30
« Le vent se lève »
Au MAC VAL
« Le vent se lève » met l’accent sur les relations que l’humanité entretient avec sa planète, des relations complexes, ambivalentes, cruelles parfois ou porteuses d’espoir.
Au fil des nouvelles acquisitions d’œuvres aujourd’hui particulièrement en prise avec le monde, et en écho à de plus anciennes qui traduisent cette pensée en marche de longue date, le public peut envisager les différents regards, émerveillés, inquiets, conscients toujours que les artistes portent sur le monde. Pour envisager cette accélération du temps, du temps long de la géologie à celui d’aujourd’hui, chimique, où l’action de l’homme engendre la précipitation des réactions climatiques, nous suivons, tel un fil conducteur, la question de la marche. Peintures, photographies, films et installations nous amènent à penser nos relations à la Terre, celle que nous arpentons comme celle que nous transformons.
Mardi 12 octobre 2021, 18h
« La Rafale et le Zéphyr »
Aux EMA
Depuis les premiers temps homériques, les Grecs ont distingué quatre types de vents en fonction de leurs directions et des saisons en plus d’Éole. Dans le tableau de Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus (1485), la déesse sortant des eaux est poussée sur le rivage par les vents Zéphyr et Aura. Aucun des personnages ne touche terre. Ils habitent un monde différent de celui régi par la pesanteur et propre aux humains. Le vent d’Ouest personnifié prend les atours d’un jeune éphèbe dispersant les fleurs de son manteau. Parfois même, nul n’est besoin d’adjoindre les attributs conventionnels des dieux du vent (les ailes de papillon, les drapés aériens), la couleur suffit comme dans le tableau de Pierre-Paul Prud’hon (1758-1823) récemment restauré Jeune Zéphyr se balançant au-dessus de l’eau.
Mardi 26 octobre 2021, 18h
« Les fantaisies baroques »
Au MAC VAL
L’époque baroque se voit parcourue d’un souffle vivace qui vient déformer les drapés, envelopper les corps (Le Greco). L’artifice y est à son apogée. L’extase de Sainte Thérèse du Bernin est aux prises de l’œil invisible de Dieu, quand celui tendre de l’ange exacerbe les sentiments exprimés. La sculptrice et performeuse ORLAN qui avait déjà rendu hommage au drapé baroque dans Le baiser de l’artiste, revisite la Trinité avec un ensemble de « robes de plis sans corps » réduites à des nœuds en résine recouverts de peinture de carrosserie or, argent et blanche. Ces trois sculptures relient les époques (du baroque au contemporain) tout en rappelant la survivance des modes de représentations stéréotypées des femmes.
Mardi 9 novembre 2021, 18h
« La météo du sensible »
Aux EMA
Pour Alain Corbin, auteur de La Rafale et le Zéphyr. Histoire des manières d’éprouver et de rêver le vent, le vent, jusqu’à la Renaissance, se confond avec Dieu. Il est le signe de sa présence, de sa puissance et parfois de sa colère. Au XVIIIème siècle, au moment des premiers vols aérostatiques (élévation du ballon de Pilâtre de Rozier en 1784), apparaît une météo sensible qui goûte les aléas et les plaisirs du vent. Le vent devient synonyme de caresse, de rafraîchissement, de solitude, et même d’oubli. Ce tournant majeur dans la façon de sentir, de réagir, de s’étudier soi-même, rejoint les météores en accord entre les aléas du ciel et les aléas du moi (Oskar Kokoschka, Die Windsbraut - La Fiancée du vent, 1913).
Mardi 23 novembre 2021, 18h
« À tous vents »
Aux EMA
Sur le modèle de la tour des vents conçue au Ier siècle avant J.C., l’architecte baroque Borromini avait élaboré une maison pour les Pamphili (non réalisée) composée d’une forteresse percée de 32 fenêtres. Le regard traversant ces fenêtres en direction de l’horizon s’arrêtait ainsi aux trente-deux divisions des vents. Cette perception de l’espace puissamment sensorielle se prolongera dans le premier diagramme environnemental Gretl’s Soft Diagram (1977) de Clino T. Castelli, imaginé à partir du salon construit par Wittgenstein en 1926 pour sa sœur. Ce diagramme révèle la circulation invisible des flux, des courants d’air, des ondes, des déplacements de la lumière, des couleurs et des odeurs. Là où Marcel Duchamp encapsulait l’air de Paris (1919), Ryan Gander propose à la Dokumenta de Kassel, en 2012, un courant d’air stimulant et revivifiant. Alors que sous Hippocrate, la stagnation d’air était perçue comme dangereuse, les méthodes hygiénistes du début du XXème siècle invitent à créer des intérieurs aseptisés à l’image de la Maison de verre de Pierre Chareau (Paris).
Samedi 11 décembre 2021, 14h30
« Courts sur l’art »
Au MAC VAL
Une programmation proposée par Tous les Docs, structure de diffusion de films sur l’art.
« Panamarenko : Portrait en son absence » de Claudio Pazienza
27 min, Qwazi qwaszi Films, RTBF, Arte Belgique, France-Belgique, 1997
Ancrées dans l’univers céleste et le mythe d’Icare, la plupart des créations de Panamarenko pose une énigme quant à leur réelle capacité à évoluer dans les airs. Se faisant l’artiste anversois développe une véritable poétique sur les mécaniques aériennes que le réalisateur Claudio Pazienza tente de saisir sous la forme d’une enquête.
« Huile sur vent » d’Alejandro Perez
20 min, film d’artiste, HEAD – Genève, Suisse, 2018
En présence du réalisateur Alejandro Perez
L’eau et le vent façonnent un paysage fragile à travers lequel s’efface lentement le reflet d’un homme solitaire. Une île pleine d’oliviers sauvages émerge sur les eaux qui semblent avoir tout inondé. En route vers l’île, le vent transforme l’image du paysage et de l’homme. Ils finissent par disparaitre dans les échos de sa voix.
Samedi 8 janvier 2022, 14h30
« À mains nues »
Au MAC VAL
« À mains nues » est la nouvelle exposition de la collection du MAC VAL qui fait suite à l’accrochage « Le vent se lève » où s’incarnait les relations que l’humanité entretient avec la Terre. Aujourd’hui nous poursuivons cette exploration de l’humain en nous recentrant sur le corps, son langage, son pouvoir et sa puissance de réinvention.
Après l’expérience partagée de la pandémie, d’empêchement de l’autre, de son contact, du violent constat de notre fragilité corporelle et de notre statut de corps vivant, ce parcours nous projette dans le futur et l’envisage avec désir, élan et espoir.
Les œuvres ici réunies racontent d’une part la corporéité et son langage, les fluides vitaux, les membres, dont les mains, qui incarnent la question de la réinvention de soi contre la réalité, la fatalité ou les déterminismes sociaux. La fiction, le récit, la mise en scène, le travestissement sont autant de stratégies mises en œuvre par les artistes pour engager cette réinvention, douce, déterminée ou plus guerrière.
Mardi 18 janvier 2022, 18h
« Jouer avec le vent »
Aux EMA
Quoi de plus naturel que de jouer avec le vent (Bernard Moninot ou encore Maxime Rossi (Père Lachaise, 2010) ? Des mobiles de Calder aux sculptures gonflables de Warhol ou de Yves Klein, le gonflable porte en lui l’idée du pneuma, du souffle qui le relie à la vie. L’exposition du centre Pompidou Metz Aerodream. Architecture, design et structures gonflables met en exergue la beauté de ces sculptures gonflables si audacieuses et innovantes (Graham Stevens) dès les années 50. Claus Oldenburg vient quant à lui compenser l’essoufflement de ses formes par des dimensions exceptionnelles pour des objets aussi anodins qu’une part de gâteau ou un rouge à lèvres. Et parfois, les œuvres sont maintenues en vie à grand renfort de machineries (Žilvinas Kempinas). Chez Annette Messager, le vent vient animer des perruques de femmes rappelant ainsi les coups de vent intempestifs ayant aussi fait le bonheur des caricaturistes au XIXème siècle (Daumier).
Mardi 1er février 2022, 18h
« Inspire- Expire »
Aux EMA
À l’image de Dieu soufflant dans les narines d’Adam (gravure de 1569), l’échange du souffle (Allan Kaprow, Breath Exchange, 1974. Happening. Berlin. From Time Pieces, 1974) entre deux êtres, ou le baiser amoureux (Marina Abramović et Ulay). Le souffle qui sauve et qui ramène à la vie des pièces que l’on croyait mortes ou pétrifiées (Oscar Munoz, Gilad Ratjman The Workshop, 2013). L’artiste canadienne Diane Borsato amène à sa bouche les pièces d’un musée en 2003 Artifacts in my Mouth. Dans Souffle 6 (1978), l’artiste Penone, engage, son corps dans la matière à laquelle il veut donner forme, en l’informant de son empreinte qui va de l’entre jambe à la bouche. Le souffle est à la fois geste et objet de cette série de sculptures. _ Le souffle, c’est aussi un laisser-aller, un relâchement comme dans la performance de Dan Graham en 1969 Lax Relax. L’artiste vient calquer son propre souffle sur celui pré-enregistré et diffusé par une machine. « Par un processus d’absorption, la voix féminine enregistrée et ma propre voix tendent à entrer en une seule intonation vocale et ma posture corporelle à « s’identifier » avec cette phrase particulière [...] ».
Mardi 15 février 2022, 18h
« Souffle, à l’origine de toute chose »
Aux EMA
Reprenant l’ancien mythe biblique de la Création où le souffle de Yahvé est donneur de vie, comme aussi le mythe grec de Prométhée et d’Athéna où le souffle de la divinité anime la matière inerte, l’artiste est celui qui donne vie à la matière (Promenade blanche de Susanna Fritscher, Jean- Baptiste Caron), lui insufflant l’anima. De sa bouche, il vient souffler les couleurs (Jean Fautrier et Hans Hartung). Opère la même magie que dans les anciennes illustrations de jeunes garçons à la bulle de savon dont on peut voir le prolongement dans la technique d’encres Sumi de Roland Flexner. Certaines sculptures, à l’opposé d’une conception classique d’une forme érigée, statique et pérenne, n’existent que lorsque leurs composants sont en mouvement et pris dans un jeu d’interactions, de transferts d’énergies (électricité, flux d’air). En animant le voile bleu et en le maintenant en lévitation, le souffle du ventilateur de Blue Sail de Hans Haacke sublime sa légèreté et révèle son potentiel symbolique et poétique.