Jean-Luc Vilmouth

Lampes, tables, tabourets, moniteurs et lecteurs dvd, dimensions variables.
Acquis avec la participation du Fram Ile-de-France
© Adagp, Paris 2008.

Notice

Dès le tout début de son travail, à la fin des années 1970, Jean-Luc Vilmouth s’intéresse aux lieux qui existent et les investit avec ses complices du groupe JA-NA-PA, dont le nom est emprunté à Antonin Artaud. Avec Christian Bonnefoi et Pierre Dunoyer, entre autres, il réinvente ces lieux abandonnés, en perte de sens. Les années suivantes sont marquées par ses recherches autour des objets, un autre quotidien. Il revient aux lieux en 1986 avec l’exposition « Chambres d’amis », à Gand, qui l’amène non plus à répondre à des situations, mais à les provoquer et à fabriquer les lieux qui les accueillent : il inclut ainsi le public à ses œuvres.

Au début des années 1990, Jean-Luc Vilmouth entame la création de bars qui prendront des formes et des intentions différentes, mais témoigneront tous d’un même intérêt pour les lieux de rencontre et de convivialité, pour la question des rapports humains et pour leurs conditions d’existence. Ces recherches qui ponctuent et s’inscrivent dans le temps sont aussi l’occasion de peupler les lieux inventés d’objets, de nature, d’individus, en poursuivant cette quête du sens de leurs relations, de ce qui se trame entre les différents habitants du monde. Peut-être des tentatives pour les faire mieux vivre ensemble.

Le Bar séduire I date de 1997 ; il sera suivi de deux autres Bars séduire, aux formes différentes mais à l’intention comparable. Il s’agit dans cette œuvre de créer un espace de rencontre, autour d’un dispositif d’objets – tables, lampes, tabourets – qui installent le visiteur dans l’espace et dans le temps. L’œuvre est à pénétrer.

Dans ce lieu intimiste, chaque table est individuelle : un seul tabouret est placé face à un écran. Les rencontres ne peuvent donc se faire que par le truchement de l’écran posé sur la table. Le face à face est installé, la rencontre peut commencer. Les personnes se succèdent sur l’écran, autant d’acteurs qui disent avec une grâce merveilleuse l’impudeur à se dévoiler devant d’invisibles inconnus et qui révèlent, des années avant l’explosion des lieux de rencontres fabriquées (type speed dating) et des rencontres par Internet, la difficulté du rapport à l’autre.

L’artificialité de ce type de relation et sa violence symbolique contrastent avec la douceur fabriquée du lieu. Chacun est libre de quitter son écran pour aller zapper sur une nouvelle « offre ». Les êtres deviennent des choses, et la séduction, qui traverse les rapports humains, est ici démontée, écartelée et renvoie à la société de consommation qui fausse les valeurs. Le visiteur a un rôle à jouer, se déplaçant d’écran en écran, figurant une étrange parade. Il devient acteur de son propre rôle. En proposant un nouveau regard sur les objets qu’il anime, Jean-Luc Vilmouth renverse le processus et, par là, « objective » les êtres.

A.F.