1997
Huile et encaustique sur toile marouflée sur panneau de bois, 185 x 155 cm.
Collection MAC/VAL,
musée d’art contemporain
du
Val-de-Marne.
Photo © Jacques Faujour.
Notice
L’histoire de la représentation fait de l’avènement de la photographie une mise à mort de la peinture figurative, au sens académique. Il fut un temps où l’on a pu penser l’image photographique en guerre mortelle contre l’image picturale. De tout cela au contraire est née une réflexion sur l’image, sa qualité, à la fois matérielle et sémantique.
Philippe Cognée fait partie de ces artistes qui biaisent et jouent sur la fine ambiguïté de représenter le monde. Ses peintures peuvent nous piéger par leur flou volontaire. Dès les années 1980, l’artiste utilise une technique traditionnelle de peinture à la cire, qui leur apporte cette spécificité matérielle. Ses tableaux sont beaux comme de la peinture, ils ont une beauté de la matière mais, comme pour contrebalancer un esthétisme de la matière, Philippe Cognée fait le choix de sujets banals, tristes même parfois. Ici, une tour d’habitation. Depuis 1993, il prend une photographie ou emprunte une image au monde des médias, puis peint le sujet choisi à l’encaustique, pose un film plastique sur sa toile et, avec un fer à repasser, fait fondre la matière, créant ainsi ce flou qui invite le spectateur à un regard un peu plus lent et plus perçant. Cela fait longtemps maintenant que ce repassage intrigue sans que personne ne pose la question de ce geste, un peu ménager. On a suffisamment glosé sur l’effet rendu, cette matière répandue, arrachée, ce sujet qui donne à voir le monde, simplement. Repasser, c’est (comme le dit Le Petit Robert) : 1. évoquer, remémorer ; 2. faire passer de nouveau quelque chose ; 3. rendre lisse et net, donner l’aspect voulu, au moyen d’un instrument approprié. Par analogie, inversée parfois, il s’agit bien de tout cela chez Philippe Cognée. L’évocation : les images de ses peintures proviennent de photographies ou de captations de vidéos qu’il a faites. Comme des souvenirs. Faire passer de nouveau quelque chose : repeignant la vision photographique, il redonne à voir, mieux voir ou voir autrement. Lisser : repassant avec un fer chaud l’encaustique, il l’écrase. Inversion ici d’un geste : la matière est plus lisse, mais le sujet plus flou.
Philippe Cognée repasse donc tout :
des containers, des immeubles, des foules de gens, des bibliothèques, des chaises, il repasse, lisse et produit des évocations du monde, les donne à nouveau à lire. Une peinture ménagère, qui n’arrange pas la vision mais lui donne une forme, celle de l’aspect qu’il a voulu.
M.R.
Écouter ou télécharger l’intégralité de l’audioguide du parcours#3