Il n’est jamais simple de trouver le ton juste lorsqu’il est question de rendre hommage. Peut-être qu’on garde en tête les Oraisons funèbres grands morceaux de bravoures de Bossuet, qui, disent certains critiques, n’aimait pas beaucoup cet exercice. A la rhétorique et aux turpitudes en clair-obscur du Grand Siècle est-il préférable d’opter pour la lumière égale de la simplicité. Il est question d’une disparition qui touche le monde de l’art et plus particulièrement celui des musées. Je voulais simplement rendre hommage à Germain Viatte qui est décédé dimanche 4 mai. J’ai connu Germain Viatte ainsi que Françoise Viatte conservatrice et spécialiste du dessin italien à qui je pense tout particulièrement en ces jours de peine et à qui j’adresse mon amitié et nos chaleureuses pensées. Sans doute excusera-telle le caractère personnel de ce mot. Germain Viatte est, selon moi un modèle et un exemple. Ce qu’il a apporté à l’histoire de l’art tout autant qu’à l’histoire des formes est également à mettre en relation avec sa connaissance profonde sinon intime du musée. Germain Viatte, outre sa direction du Musée national d’art moderne de 1992 à 1997 et celle du musée du Quai Branly de 1997 à 2006 a réfléchi non seulement sur les œuvres mais également sur les modes de monstration et comment ces derniers dialoguaient dans leur propre langue ensemble. Parmi les regrets que je peux avoir, c’est de n’avoir pas discuté avec lui plus précisément encore et profité de sa connaissance des arts extra européens et comment ces derniers ont eu une influence sur sa façon de penser le musée, ses modalités de monstration en décentrant le regard. Germain Viatte n’est pas étranger au MAC VAL, en effet lorsque nous avons travaillé à L’œil vérité, une histoire de l’art contemporain en France au premier et second degré, c’est souvent que, parallèlement à Pontus Hulten, j’ai pensé à Germain Viatte. Je gardais en mémoire l’esprit d’une exposition dont il fut commissaire consacrée à Georges Henri Rivière en 2018 au Mucem à Marseille.
Intitulée Georges Henri Rivière. Voir c’est comprendre, l’exposition et l’imposant catalogue rappelaient les mutations qui avaient, parallèlement aux développements de l’art, touchées le musée. C’est dans certains concepts du célèbre muséologue et du non moins fameux conservateur et historien de l’art que le secret de l’œil vérité réside et, par conséquent, salue (on ne sait trop où) ces figures aussi marquantes. L’un et l’autre Georges Henri Rivière et Germain Viatte aimaient par dessus tout montrer les relations et ce travail de visibilisation qui n’était pas simple. Il pressentait qu’une grande partie de l’art reposerait sur cette science des relations sans doute plus fragile encore que les œuvres car elles peuvent disparaître sans laisser la moindre trace ou faire le moindre bruit.
Je redis ainsi, avec les moyens d’expression qui m’ont été confiés, toute l’estime que je porte à Germain Viatte ; j’ai beaucoup repensé à ce qu’il m’avait dit de George Besson et de sa fabuleuse collection ou encore de sa connaissance de Jean Dubuffet. Il fallait non pas du culot mais du cran pour rapprocher dans un même livre Mondrian et Dubuffet, « l’envers de la médaille » qui n’est pas autre chose que l’histoire directe d’une comparaison. C’est exactement cette science et prescience des relations, celles qui sont connues et celles qui sont tues qui font de Germain Viatte un expert et un voyant.
Nicolas Surlapierre – Directeur du MAC VAL