1975
Huile sur toile, 162 x 260 cm.
Collection MAC/VAL,
musée d’art contemporain
du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation
du FRAM Île-de-France.
Photo © Jacques Faujour.
Notice
Jacques Monory se livre depuis le milieu des années 1950 à une entreprise de déconstruction picturale de l’image. Très lié dans les années 1960-1970 à ce qui s’est dénommé alors la Figuration narrative, il n’a eu de cesse, depuis, de poursuivre, en dépit des modes, des courants et des marées, sa singulière pratique picturale. Alain Jouffroy le qualifie d’« individualiste révolutionnaire ».
Monory peint par séries. Empreints de références cinématographiques, ses tableaux fonctionnent comme des énigmes sans résolution, ouvertes à de nombreuses interprétations. En véritable inventeur de mythes, le peintre nous propose des amorces narratives, des embrayeurs d’histoires.
Métaphysique pour le moins, autobiographique s’il en est, son œuvre, grave et néanmoins empli d’humour, est obsédé par la mort, par la catastrophe. L’exploration subjective du réel en est un des ressorts majeurs.
Cet univers de l’image peinte, décortiquée, fragmentée, incrustée, montée, assemblée, maltraitée, mise à mal, meurtrie, et en même temps magnifiée et nécessaire, est peuplé de signes, motifs et éléments reconduits de tableau en tableau qui deviennent des quasi-personnages du film noir qui se joue devant nos yeux.
Monory mène de front une réflexion existentielle et une analyse critique de l’image, de ses procédures et de ses pouvoirs. Les images et modèles de nos représentations intérieures sont tour à tour « Toxiques » et « Fragiles ». Les tigres sont domptés, le réel est un opéra glacé, les explosions sont colorées et les meurtres amusés. Le monde est en Technicolor, Monet est mort, les images sont incurables.
La série « Hommage à Caspar David Friedrich » se construit sur cette mélancolie essentielle. À la suite du peintre allemand, figure clef du romantisme ontologique, Monory se livre à une méditation en peinture sur la place de l’être humain dans le paysage contemporain. Images de catastrophes aériennes, paysages bucoliques… témoignent d’un regard pour le moins désabusé, sans concession. La série s’ouvre sur Hommage à Caspar David Friedrich n° 1.
Ce tableau « magnifique et terrible », comme le qualifie Pierre Tilman, représente un camp de la mort désert, ses baraquements, son enceinte électrifiée. En bas à gauche, en inclusion, le profil anthropométrique d’une jeune juive issu des fichiers nazis.
Grave, cette peinture frappe par sa palette rose et bleue et son silence calme, répondant paradoxalement à l’ampleur de la catastrophe.
F.L.
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