Transpiration : Portrait olfactif

Depuis la fin des années 1970, usant d’une grande diversité de médiums ( la performance, la sculpture, l’installation, la vidéo ), Jana Sterbak questionne notre condition humaine. Ses objets et dispositifs sont énigmatiques, pseudofonctionnels et métaphoriques. Le choix de matériaux émotionnellement et symboliquement chargés, inertes ( métaux et minéraux ) ou au contraire périssables et/ou instables ( feu, glace, électricité, pain, viande… ), installe l’humain au coeur d’une double approche, biologique et culturelle.

Avec Transpiration : Portrait olfactif, le propos est extrêmement resserré : un flacon en verre massif, dont la forme irrégulière évoque un organe, une tumeur, un galet ou un coquillage, renferme une reconstitution chimique de la sueur de son partenaire. L’esthétique n’a rien de clinique, le matériau évoque l’alchimie : tout renvoie au bizarre, au baroque, au cabinet de curiosités, à un univers antérieur à l’aseptisation généralisée.

« Portrait olfactif » : on le sait, la sueur fonctionne comme la « signature » chimique d’un individu ; pour les autres animaux, elle est un moyen de communication essentiel. S’il renfermait une sueur authentique, l’objet serait l’équivalent « subtil » des boucles de cheveux ou des photographies que l’on conserve comme des reliques. Un remède contre la séparation, à respirer pour raviver l’excitation, le souvenir de l’intimité, de la proximité sensuelle. Et le portrait retrouverait sa fonction primitive, quasi magique, de contrecarrer la dégradation des corps ou simplement l’oubli.

Mais ce liquide synthétique n’exprime l’essence de l’amant qu’appliqué sur une autre peau. Au-delà de la représentation, il s’agit alors d’envoûtement, de rituel, de prise de possession.
i. b

Jana Sterbak

1995
Verre, sueur humaine reconstituée, 16 x 28 x 14 cm.
Prêt de l’artiste.