Siège biplace

Dès sa sortie de l’École des beaux-arts de Nantes, Christelle Familiari réalise des vidéos (La Tailleuse de pipe, 1995), des performances (Déshabillez-moi, 1996 ; Demande de suçons, 1999) et des conférences qui bousculent les carcans sociaux liés à la représentation du sexe et du désir (dans le cadre du café nomade Hiatus en 1998). Dans le même temps, elle dessine un surprenant portrait frontal de l’ennui et de la solitude (J’me tourne les pouces, 1995). Elle organise également dans son propre appartement une série d’expositions, où l’un des enjeux est de réévaluer la notion d’intime. Le corps (social, politique, sexuel) est l’« objet » nodal de ses recherches, l’artiste exécute des pièces qui nécessitent la pratique du tricot, avec sa gestuelle chargée – « Le tricot, c’est ce qui cache et révèle », selon Pierre Giquel. Souvenir de ses vacances d’enfant en Calabre, où elle voit des femmes coudre et broder leur trousseau à longueur de journées, Christelle Familiari s’interroge sur la soumission du corps (féminin).

Au crochet, elle fabrique de nombreux vêtements : slip à masturbation homme ou femme, slip à pénétration ou soutien-gorge dans lequel on peut glisser les mains, bras pour danser le slow ou cagoule pour amoureux. Puis elle commercialise ces objets en incluant un protocole : l’acquéreur accepte d’envoyer une ou plusieurs images, photos ou vidéos, de ces objets en situation et autorise leur publication. Ces objets l’amènent ensuite à fabriquer des sculptures anthropomorphes, tels un portique invitant le spectateur-acteur à pénétrer dans une prothèse « vaginale » en élastique crocheté ou ce siège biplace, « espace de négociations » où l’on peut s’installer à deux, entre le confessionnal et la « causeuse » dissimulatrice.

J.B.

Christelle Familiari

2000 Structure en acier et élastique crocheté, 130 x 80 cm. Prêt de l’artiste.
© Photo Jean Brasille
© Adagp, Paris 2010.