Jonathan Monk

2006
Néon blanc sur Plexiglas,
80 x 160 cm.
Collection MAC/VAL,
musée d’art contemporain
du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation
du FRAM Île-de-France.
Photo © Jacques Faujour.

Notice

Jonathan Monk naît en 1969, année cruciale dans l’énonciation des postulats de l’art conceptuel1. S’il convient de se garder de tout déterminisme biographique, cette coïncidence chronologique est tout de même savoureuse.

Car l’art de Monk connaît deux sources principales : son histoire familiale et une histoire de l’art qui le passionne, celle de l’art minimal et conceptuel dont il réactive certaines formes. Mais, audelà de la simple citation, c’est surtout l’esprit conceptuel qu’il convoque dans ses oeuvres. Aussi sa pratique protéiforme n’accepte-t-elle pas de style spécifiquement personnel.

La série des « Gallery Hours » donne à voir des enseignes au néon indiquant simplement les jours et horaires d’ouverture des galeries qui commercialisent ses oeuvres, telle cette enseigne de la galerie Yvon Lambert. Est-ce la place de l’art dans la société que l’artiste interroge en s’arrogeant de la sorte les signes visibles de sa diffusion ? Monk a très tôt préféré s’afficher en dehors des lieux de l’art contemporain, exposant dans des bars ou dans sa salle de bains. Mais, plus qu’une idée ou parodie de galerie, les Horaires d’ouverture de la galerie transcrivent un rythme d’activité. Le néon, réglé en tout lieu de présentation sur l’heure locale de la galerie parisienne, s’illumine puis s’éteint aux horaires annoncés. Une relation fermée entre un énoncé et un fait qui n’est pas sans rappeler certaines oeuvres de Joseph Kosuth.

Jonathan Monk renonce cependant à la tautologie objective et autonome de l’art conceptuel ; il intègre un paramètre exogène. L’activation de l’oeuvre, conditionnée par l’activité du marchand d’art, impose une prise dans le réel. Le public, dans son rapport à l’oeuvre, dépend à jamais de son commerce. Sa seule présence ne suffit pas à réactiver la pièce. Pour apprécier l’enseigne illuminée, il doit se présenter au musée quand la galerie est ouverte, soit, aux horaires affichés. L’oeuvre proclame sa propre règle, paradoxale et frustrante.

Dans une société de consommation, la culture serait-elle à ce point sous le joug de l’économie ? Sommes-nous face à une stratégie de mise en échec de la diffusion de l’art par l’exposition ? Ce n’est pas sûr. Synchroniser parfaitement visibilité et activation de l’oeuvre suppose son maintien définitif, sans vente aucune, chez Yvon Lambert. L’appréciation de l’oeuvre relèverait donc finalement de la mise en échec de son commerce. Ayant transgressé la règle, le musée est condamné à attendre… l’ouverture de la galerie.

I.J.