Claude Closky

Vidéo, édition 1/3, vidéo couleur sonore. Courtesy galerie Laurent Godin. Collection du MAC/VAL, Vitry-sur-Seine.

Notice

Ancien élève de l’École nationale supérieure des arts décoratifs, Claude Closky, au milieu des années 1980, produit, au sein du collectif Les Frères Ripoulin (avec Nina Childress, Pierre Huyghe…), de nombreuses oeuvres qui investissent et parasitent l’espace public. Depuis 1989, sa pratique protéiforme (vidéo, photo, peinture, dessin, son, sites Internet, papiers peints, livres d’artiste...) le conduit à nouveau à interroger les différents systèmes de représentation, d’information, d’organisation et de contrôle du « monde ». Héritier de l’OuLiPo et de l’art conceptuel, le langage chez Claude Closky devient image, tandis que l’image devient langage. La distance entre le signifiant et le signifié s’accroît, les mots d’ordre s’extraient de leur contexte, les injonctions au bonheur s’accumulent, « le blablabla de la galaxie hypermédiatique1 » résonne : « Je vois deux façons de créer une distance critique avec les modèles qui régissent notre quotidien. Leur opposer un nouveau discours pour les contredire, ou bien suivre leur logique et la faire s’emballer jusqu’à l’absurde. Comme artiste, je ne peux que choisir la seconde méthode. Je ne veux pas énoncer de théories érudites sur la société ou les médias. Il n’est pas nécessaire de démontrer que l’on a lu McLuhan pour faire une oeuvre. Si je dois m’inscrire dans une histoire, c’est dans celle de l’art et des artistes qui m’ont précédé2. » René Magritte et Andy Warhol, Joseph Kosuth et Ed Ruscha, Lawrence Weiner et Richard Prince, et les autres. À coup de listes, de programmes, de modes d’emploi, de systèmes, de partitions, de catalogues, d’inventaires, qui s’organisent de manière logique, arbitraire, hiérarchique, aléatoire, alphabétique, croissante, arithmétique, décroissante, Claude Closky passe son temps à classer les dix premiers nombres par ordre alphabétique, en français et en anglais (1989), à lister plus de trois cents petits prix (1991), à énoncer des codes PIN (2002), à diffuser le jingle de TF1 de manière impromptue (1997), à couper les conversations avec des sonneries de téléphone portable (1997), à jouer les notes d’une gamme dans un ordre alphabétique (1989), à constituer une bibliothèque dont chacun des livres qui la composent possède un titre comprenant, en tout ou en partie, une ou deux lettres de l’alphabet (Le A nouveau est arrivé, 1989), à balancer des dépêches d’agences de presse en prenant soin de substituer ou d’inverser certains mots (World News, 2002), mais toujours en conservant le « ton » de la breaking news… La forme. Le fond. L’absurde. Le signifiant. Le signifié. L’emballement. Arcueil (2000-2001) joue avec les contradictions. Tirage unique d’une photographie couleur, elle appartient à une large série (Ivry, Paris-Bastille…) qui aborde avec une certaine ironie la question de « l’ornementation lumineuse urbaine des fêtes de fin d’année » (les décorations de Noël), et avec les moyens, paradoxaux, de la photographie plasticienne. Claude Closky s’emploie à déconstruire de « belles images » en prenant ici un sujet pauvre, mettant le doigt sur le processus de réification. Un « sublime de pacotille3 », un travail sur le motif, ses récurrences, son formatage, sa désuétude, présentée sur un grand format qui rappelle la peinture d’histoire. Le travail de sape orchestré par Claude Closky est d’une grande efficience. Il n’y a rien à voir, si ce n’est le reflet du regardeur au milieu de cet (anti-) événement lumineux, cette archétypale (absence de) fête. Avec On Fire, l’artiste renvoie aux chaînes télévisées qui diffusent un feu de cheminée (ou un aquarium) dans la boîte à images du foyer en guise de programme. Claude Closky greffe ce feu, assimilé généralement au réconfort, à une sirène d’alarme incendie. Ce feu « basse définition » trouvé sur le net, par essence virtuel, diffusé via un très chic écran plat, s’insère dans un processus généralisé de déréalisation du monde4, avançant qu’il n’y a plus de réel du tout, que tout est devenu image et qu’il n’y a plus rien derrière l’image.

J.B.

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