2007
Acrylique et collages sur toile de lin, 340 x 210 cm.
Collection MAC/VAL,
musée d’art contemporain
du Val-de-Marne.
Photo © François Fernandez.
Notice
Depuis plus d’une quarantaine d’années, Noël Dolla se livre à une entreprise picturale des plus singulières, ne cessant de mettre en crise les fondamentaux de la peinture même, dans l’esprit de l’abstraction. Tout son œuvre est un travail de mémoire, de la mémoire. Une mémoire des gestes et œuvres qui l’ont précédé. Une mémoire de l’atelier, des outils, des savoir-faire et techniques. Et puis une remise en jeu permanente de cette mémoire, un oubli. Une amnésie. Comme les rebonds de mille balles de tennis sur une plage de galets.
Depuis le début, l’œuvre procède par séries, reprises, répétitions, bifurcations, contradictions, retournements et enchaînements. Elle semble se déployer (leurrée ?) entre deux directions opposées en apparence : une déconstruction radicale de la peinture, de ses concepts, moyens, fins, histoires… et une implication subjective, voire intime et baroque de l’artiste dans son œuvre. Noël Dolla aime à rappeler qu’il navigue entre Supports-Surfaces et Fluxus… Cette dynamique est particulièrement manifeste dans les récents développements de l’œuvre. On assiste au retour de la figure et à un déplacement des ancrages historiques – on passe de Newman, Matisse et Duchamp à Courbet, Géricault, Malévitch et Titien.
My Mother II est une méditation picturale d’un fils autour de sa mère en proie à la maladie d’Alzheimer. Cette grande figure, dame en noir, n’est pas sans rappeler l’allégorie de la Mémoire décrite par Cesare Ripa au xvie siècle. À la mémoire de l’histoire de l’art se trouve associée la mémoire de sa propre pratique : en haut à droite, par exemple, une reprise du tableau Dog Food (2007), une représentation dans la représentation. En bas, des chevilles et pieds chaussés qui évoquent le film Love Song (1973-1976). Sont convoquées également des figures révolutionnaires (ici, sur la gauche du tableau, apparaît le mot « CHE »). Car, comme Dolla aime à le rappeler, « peindre est une affirmation politique ». Politique au sens large : force de résistance à l’ordre imposé, force de construction de soi… On retrouve aussi un motif récurrent qui traverse l’œuvre : l’étoile rouge. Et, en bas, des mégots collés, comme autant de fragments du réel.
La méthode est signifiante : ici le tableau se construit plan par plan, selon un système de réserve au ruban adhésif, en explorant la dynamique abstraite de la surface. Chacun des plans est autonome et, de leur combinaison, en un certain ordre assemblés, naît la figure. Le tableau s’invente au fur et à mesure de son élaboration, presque à l’aveugle. Il monte, sans repentir possible.
F.L.
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