Mélik Ohanian

Selected Recording #067
Photographie, tirage Lambda couleur contrecollé sur aluminium,
124 × 200 cm.
125 x 187 cm (chacun).
Collection MAC/VAL, musée d’art contemporain du
Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.

Notice

Melik Ohanian aime à répéter que « [son] médium, c’est l’image ». Arrêtée ou en mouvement, elle lui permet d’explorer différents territoires, spatiaux mais aussi temporels, pour ouvrir sur la question plus vaste de l’identité. Diplômé des Beaux-Arts de Lyon et de Montpellier, Melik Ohanian a un background de documentariste et un père photographe, Rajak Ohanian, qui l’initie très jeune à la chambre noire. La relation que l’artiste, d’origine arménienne, entretient avec les notions telles que l’ailleurs, la frontière, la mémoire ou l’autre est prépondérante dans ses travaux.

Les Selected Recordings (que l’on pourrait traduire par « enregistrements choisis ») sont à la fois uniques, identiques et illimités. Un numéro les identifie et il n’y a qu’un seul tirage. Les photographies sont toutes de mêmes dimensions (125 x 187 cm) et la quasi-totalité présentent un format paysage, tel un cadrage « cinématographique ».

La série a été entamée au début des années 2000 et demeure in progress. Il existe actuellement plus de deux cents photographies de ce type, réparties entre les numéros d’identifiant #000 (qui représente un diable) et le numéro #666 (un cadrage, faussement hésitant, d’une voiture avec une plaque d’immatriculation affichant le triple 6). Aucune information n’est explicitement lisible sur l’image, ni de lieu, ni de temps, presque aucun repère, pas de narration. À quelques exceptions près. Certains des Selected Recordings font office de road book du travail de Melik Ohanian. Selected Recording #082 renvoie à sa pièce Island of an Island (1998-2001), Selected Recording #062 évoque assez directement l’oeuvre Welcome to Hanksville (2003), quand d’autres photographies ont un lien à l’Arménie (Selected Recording #031 représente le stade Hrazdan d’Erevan). Pour le reste, c’est peine perdue de chercher à retrouver l’histoire de chacune de ces micro-histoires. Mieux vaut se laisser (em)porter par la tentative de mapping photographique de l’artiste. Suspendus dans le temps, ces film stills expriment le déplacement et le voyage, ils font irrémédiablement appel à une hypothétique mémoire collective. Ces images sont des réceptacles à fantasmes, tout en représentant des morceaux de réel. Un réel bien connu, mais doublement oublié. « J’ai déjà vu ces paysages, mais où ? », « J’ai déjà vu ces images, mais où ? » Le spectateur projette sur l’écran qu’est la photographie ses souvenirs, ses histoires. On erre, on contemple, on cherche, on se souvient parfois. Jean-Christophe Royoux nous rappelle qu’« être sujet, c’est reconnaître le caractère kaléidoscopique du sol sur lequel on est enraciné ; c’est prendre conscience de la multiplicité qui nous habite ».

Melik Ohanian porte toujours une grande attention à la manière dont on expose ses œuvres. Pour l’occasion, certaines de ses photographies sont appelées à être à même le sol, contre un mur, comme en partance, ou juste arrivées. C’est aussi un moyen de ne pas mettre à distance, une façon de mieux être « dans » l’image. Ces « arrêts sur image » sont aujourd’hui dispersés dans le monde, au gré des acquisitions, et une dizaine d’entre eux ont rejoint la collection du MAC/ VAL, constituant avec The Hand (2002) et Welcome to Hanksville (2003) un ensemble d’œuvres de Melik Ohanian. Les Selected Recordings sont présentés comme un fil d’Ariane du nouvel accrochage de la collection.

J.B.

Écouter ou télécharger l’intégralité de l’audioguide du parcours#3