Kids on a Tomb

Kevin Francis Gray immortalise dans la résine, le bronze ou le marbre la fragilité d’adolescents tourmentés. À une conception minimaliste de la sculpture importée des États-Unis en Angleterre par Anthony Caro au début des années 1960, il oppose une approche traditionnelle, des schémas iconographiques issus du classicisme qu’il contamine d’une décadence appartenant autant à la Babylone de Pyrame et Thisbé qu’à l’époque contemporaine. En prenant la photographie pour point de départ de la réalisation de ses sculptures, l’artiste dresse le portrait d’un type de société au travers d’individus qui eux-mêmes tentent de se fabriquer une image. Dans une fusion d’esthétiques au réalisme ambigu, il emprunte à une représentation académique les proportions canoniques et conjugue à l’emploi de matériaux nobles une focalisation extrême sur les composantes essentielles de la sculpture – les socles sont souvent aussi importants que les corps qu’ils supportent.

Dans Kids on a Tomb, l’utilisation de drapés cite la sculpture baroque, pour laquelle ceux-ci signifient autant que l’expression d’un visage ou le geste d’une main. Servant au xviie siècle à séparer deux réalités, terrestre et céleste, le motif du linceul éloigne ici le couple de la banalité du monde. « Outsiders » pour toujours, les deux gisants ainsi piégés entre l’enfance et l’âge adulte acquièrent la jeunesse éternelle.

Alors que la statuaire grecque portait à son paroxysme la perfection de la représentation, considérant la beauté du corps comme une forme d’exorcisme du chaos, Kevin Francis Gray fait de cette fascination adolescente pour le sentimental et le macabre un monument nappé d’une surface lisse et miroitante. Avatars contemporains de Roméo et Juliette, les deux enfants deviennent les figurines grandeur nature d’une tragédie pop.

L.H.

Kevin Francis Gray

2008
Fibre de verre, résine, peinture automobile, 110 x 110 x 165 cm.
Prêt de l’artiste. Avec l’aimable autorisation de la fondation David Roberts, Londres.
© Photo Tara Moore.