Gina Pane

Photographie argentique noir et blanc, tirage 2004 ; 100 x 67,5 cm.
Don d’Anne Marchand.
© Adagp, Paris 2007 _ © photo droits réservés.

Notice

En juillet 1968, lors d’une promenade, Gina Pane décide de déplacer un petit tas de pierres posées à l’ombre pour les replacer, une à une, dans une zone découverte et chauffée par le soleil. Ce geste, simplement intitulé Pierres déplacées, marque un tournant décisif dans sa pratique artistique. Il inaugure en effet tout le cycle des actions photographiées dans lesquelles Gina Pane mettra en scène son propre corps jusque vers 1980.

Les premières « Actions » sont des interventions solitaires exécutées en extérieur. Elles se dérouleront par la suite dans des espaces clos et urbains, en présence d’un public. C’est à ce moment que Gina Pane intégrera la blessure dans son langage plastique, jusqu’en 1979.
Citons l’artiste à propos de Terre protégée II : « (…) j’ai protégé un morceau de terre équivalent à l’espace de mon corps – je l’ai protégé pendant 4 heures, sans bouger et encore une fois c’était une sorte de… de… presque d’affection que j’avais pour cette terre qui me manquait, qui me manque, évidemment. Mais je l’ai protégée avec ma chair, c’est-à-dire que j’ai fait une analogie entre un fait biologique et un fait matériel qui se complètent l’un l’autre. La terre est nourricière de mon propre organisme biologique et moi, je la protège parce que je suis coupable de ce qu’elle n’existe plus, de ce qu’elle disparaît ».

Ce geste témoigne du rapport affectif au sol, à la terre-mère. Geste cosmogonique qui propose une nouvelle définition de l’artiste comme « récepteur-émetteur » du monde qui l’entoure. Dans ce rapport intime à la nature et à la terre cultivée, Gina Pane annonce sans parole ce qui suivra : une tentative sans cesse renouvelée de penser le corps comme lieu premier du langage et du sens.

L’image offerte, appelée « constat d’action », n’est pas le simple enregistrement d’un événement. Prémisses de l’utilisation du corps dans l’œuvre, ces actions in situ sont à rapprocher du mouvement du land art américain et de sa portée écologique. Le corps comme matériau et non plus comme représentation, d’une part, la photographie comme outil d’analyse du geste accompli, d’autre part, désignent Gina Pane comme l’une des premières en France à chercher les bases d’un vocabulaire nouveau tentant de repousser les limites de l’art.

G.B.