Françoise Pétrovitch

Tirages lambda sous diasec, édition de 3,65 x 90 cm.
Acquis avec la participation du Fram Île-de-France.

Notice

Par le biais du dessin, de l’aquarelle, de l’encre, mais aussi de la sculpture et de la photographie, Françoise Pétrovitch crée un monde mystérieux qui suggère sans trop en dire. À travers des personnages de jeunes femmes ou de jeunes filles transparaît un questionnement sur la féminité, sur la maternité, tandis que la présence d’animaux hybrides insiste de manière métaphorique sur l’étrangeté des images.

Deux lavis d’encre sur papier de la série « Présentation » (2004-2005) montrent un personnage tenant un animal dans ses bras.
Sur le premier, une jeune fille rousse aux cheveux mi-longs tient un chien dans ses bras avec un geste maternel et protecteur. L’idée de la maternité est renforcée par les chaussons tricotés roses que porte l’animal, petite note d’humour et de confusion.
Sur le second, les bras d’un buste entourent précautionneusement un lapin. L’animal, vu de dos, semble vivant mais il pourrait tout aussi bien s’agir d’une peluche, d’un doudou, d’un objet transitionnel. Le buste sans tête et la position des bras renvoient à une maternité, voire à une pietà. Ces encres interrogent le spectateur sur la relation fusionnelle mère/enfant et la possession d’un être que l’on s’accapare, que l’on empêche de grandir. Le lavis d’encre sur papier Twins (2006) est le premier de la série éponyme. Il évoque le monde de l’enfance par une représentation ambiguë de jumelles vêtues de robes rouges. Les têtes et les épaules collées les unes aux autres font penser à deux sœurs siamoises. La souffrance de la chair est renforcée par les dégradés subtils rouges et roses des robes et d’une des jambes de chaque fillette : le lavis d’encre est d’une texture quasi sanguinolente qui va du rouge le plus léger au plus chromatique. Pourtant, sur les deux épaules disjointes apparaissent une main, un bras enlaçant l’autre dans un geste de tendresse. Dans ce travail sur le double, les couleurs se fondent au niveau des têtes et des épaules jointes, marquant l’ambivalence d’une proximité fraternelle très forte.

Deux lavis d’encre sur papier sont issus de la série « Tenir debout » (2005), dans laquelle le corps féminin apparaît sous la forme d’un fragment, par le biais d’un attribut : la chaussure à talon.
Le premier présente deux bottes noires à talons surplombant un ballon rose accroché en laisse aux bottillons. Il y a là un fort contraste entre les bottes évoquant la féminité, le monde des adultes et le ballon renvoyant à l’enfance, au jeu, à la fête foraine ou au cirque. Françoise Pétrovitch exprime la fragilité du monde féminin : l’équilibre difficile à garder sur les bottes à talon et l’ambiguïté de la séduction, le ballon qui peut à tout moment être transpercé, qui semble avoir perdu sa légèreté et être trainé comme un boulet au lieu de voler dans les airs.
Le second lavis est composé de deux mollets perchés sur des escarpins rouges à boucles. Les chaussures se prolongent par des ombres qui semblent se refléter dans une flaque d’eau. À l’extrémité de l’une d’elles apparaît une truie. L’animal rappelle la fable érotique Truismes (1996) de Marie Darrieussecq, dans laquelle la narratrice se transforme en truie, avec une métaphore sur la prostitution. En effet, les chaussures à talons font partie des attributs de la prostituée, de sa « panoplie » pour racoler, et les termes argotiques employés pour qualifier la prostituée relèvent de comparaisons animalières : truie, grue, poule ou morue, biche, crevette, langouste ou langoustine, louve, marmotte, pouliche ou souris sont autant de mots injurieux visant à rabaisser la femme au rang de femelle animale. Comme l’indique le titre, l’important est de « tenir debout » face aux insultes, aux dégradations, aux difficultés et aux souffrances quelles qu’elles soient.

Deux photographies de la série « Mes familiers » (2005) montrent des têtes d’animaux en céramique réalisées par l’artiste et posées dans des endroits incongrus.
Sur la première, une tête de biche en émail gris surgit sur le plancher d’un décor domestique devant des jambes et un bras féminin paré de bijoux. La main tient une télécommande prête à zapper l’image du téléviseur ou à actionner le magnétoscope au fond de la pièce, près du radiateur. La femme, dont on ne voit qu’un fragment, comme dans la série d’encres « Tenir debout », semble ici avachie sur son siège, dans un moment de détente face à la télévision. La tête animale, d’un gris métallisé, est décalée et pourtant capte la lumière, attire le regard par son caractère insolite.
Sur la seconde photographie, une tête de faon surgit aux pieds d’un enfant assis sur une chaise et lisant, accoudé à une table. On ne voit pas le visage de l’enfant, seulement son corps vêtu d’un T-shirt et d’un jean. La présence de la tête cornue dans cet univers familier est à nouveau saugrenue et inquiétante.

Françoise Pétrovitch capte l’attention du spectateur par l’invention d’un monde étrange et mystérieux, que ce soit avec ses encres ou par la photographie.

V.D.-L.