Daniel Buren

La Cabane éclatée polychrome aux miroirs, 2000.
Bois, miroirs, acrylique, vinyle, 351 x 351 x 351 cm.
Collection MAC/VAL - musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
© Adagp, Paris 2014.
Photo © Jacques Faujour.

Notice

Daniel Buren met au point en 1965 son outil de travail, qu’il dénomme « outil visuel », fameuses bandes blanches de 8,7 cm de large, alternant avec d’autres de même largeur, noires ou colorées. D’abord support de la couche picturale, l’outil visuel est ensuite imprimé et affiché dans la rue, puis apposé à l’architecture, avant de s’architecturer lui-même avec « Les cabanes ».

Les premières ont été conçues à partir d’une contrainte, celle de réaliser au musée de Mönchengladbach une commande in situ dont on pourrait conserver la trace. Pour répondre à cette demande, l’artiste a proposé À partir de là (1975) : une seconde peau qui porte la mémoire des œuvres exposées par des surfaces laissées vides sur des cimaises rayées, ainsi que la mémoire d’espaces qui allaient disparaître.

La Cabane éclatée polychrome aux miroirs a été conçue pour être exposée à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne en 2000. À l’extérieur, des murs de miroirs cachent sa présence par la réflexion de son environnement. Comme sous l’effet d’une implosion, quatre éléments se sont détachés au centre de ces murs, révélant dans l’embrasure le fameux outil visuel, inimitable signature-signalétique, et laissant entrevoir, à l’intérieur, des murs peints de bleu clair, bleu foncé, jaune et rose, reflétés par un axe central en miroir.

La cabane est un objet architecturé aux déclinaisons plastiques extrêmement riches. En fonction du lieu de présentation, l’artiste en module à l’infini les paramètres : épaisseur, reflet, couleurs, transparences, superpositions, matériaux… Cet espace ménage, contrairement à un tableau, des points de vue multiples ; il est, par son éclatement, une œuvre ouverte, une invitation à la promenade, à l’expérimentation des passages, de l’extérieur vers l’intérieur et jusqu’au centre.

Daniel Buren poursuit depuis les années 1960 une démarche artistique critique dans son rapport au musée, institution dont l’impact sur la vision même des œuvres qu’il présente est le plus souvent occulté. « Le pouvoir du musée est celui d’imposer le terme d’œuvre d’art à tout ce qu’il expose et donc d’annihiler toutes questions par des réponses qui le satisfont. En d’autres termes, d’imposer son discours univoque sur la multiplicité discordante des discours exposés. »

L’œuvre de Daniel Buren s’échappe de la peinture et s’architecture, elle renverse le rapport de pouvoir dans la situation d’interdépendance œuvre/musée jusqu’à nier la réalité même du musée avec un habile sens de la provocation institutionnalisé qui suggère, sur le mode de la fable, l’histoire du « Musée qui n’existait pas » (2000, Centre Pompidou).

I.L.